En matière de soins psychologiques, la recommandation de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), est de 1 thérapeute par 5000 habitants. Dans les pays du continent africain, il y aurait, en revanche, en moyenne, 1 thérapeute pour 500 000 habitants. Face à ce manque, de nombreuses solutions ont été mises en place pour agir en faveur de la santé mentale dans le continent. Parmi les associations s’étant fixé comme objectif la déstigmatisation des troubles psychologiques, figure Bluemind Foundation. Cette structure est implantée dans plusieurs pays francophones du continent. Pour pallier au manque de spécialistes médicaux, l’association a créé un réseau de substitution : des coiffeuses formées à la santé mentale.

Un tabou

Des études réalisées dans différents pays du continent africain ont révélé que la santé mentale demeure un sujet tabou. Dans plusieurs milieux sociaux, les personnes atteintes de troubles psychologiques sont marginalisées, trainant le poids de leurs pathologies comme une honte ou un motif de réclusion. Elles sont stigmatisées, livrées à une solitude honteuse ne faisant qu’accentuer leurs troubles.

Il ressort de ces études, également, que les maladies mentales sont souvent considérées comme un mal surnaturel dont on ne peut se défaire qu’au moyen d’interventions d’ordre spirituel ou par le biais de la médecine traditionnelle.

En souffrance, de nombreuses personnes en proie au mal-être ne trouvent aucune écoute et optent, en l’absence de la compréhension de leur entourage, pour l’isolement et la solitude. Les femmes sont les plus concernées par ce genre de phénomènes. Les moins de 25 ans d’entre elles représentent 60% des sujets souffrants de troubles mentaux.

Médecins versus associations

Dans les pays africains, il y aurait un thérapeute pour 500 000 habitants. La recommandation de l’OMS en la matière, est de 1 thérapeute par 5000 habitants. Dans certains pays, 75% de personnes soufrant de troubles mentaux n’ont donc pas accès aux soins.

Ces chiffres changent d’un pays à l’autre, mais la constante est la même : la santé mentale est loin de bénéficier de la place qu’elle devrait avoir dans les budgets publics. Elle ne bénéficierait, en moyenne, que de 1% du portefeuille santé (lui-même plutôt bas dans de nombreux pays).

L’accès aux soins psychologiques n’en est que plus difficile en matière de logistique et de coût. Dans de nombreuses familles, au lieu d’être soignée, la femme est répudiée, chassée de chez elle, violée ou battue.

C’est pour remédier à ces différentes dérives que de nombreuses associations agissent dans plusieurs pays d’Afrique, pour assurer la sécurité de ces femmes et sensibiliser leur environnement au danger des pratiques auxquelles, à tort, on les expose.

D’autres structures associatives concentrent leurs efforts sur des profils de victimes tels que les rescapés de catastrophes naturelles, les personnes ayant été exposées à la guerre, les victimes d’abus sexuels ou celles atteintes de maladies comme le SIDA ou le cancer. Proies à des traumatismes non traitées, elles deviennent l’objet d’exclusions, de maltraitances et de stigmatisations minant leurs vies et leurs avenirs.

Au-delà du traitement de fond des pathologies psychiatriques, il s’agit, pour ces associations, d’apporter un premier secours psychologique. En l’absence du réseau médical approprié, certaines actions sont menées pour créer des réseaux de substitution comme des employés du secteur paramédical ou plus insolite : les salons de coiffure.

Les coiffeuses au service de la santé mentale

Bluemind Foundation est un projet qui est né d’une histoire personnelle où le tragique s’est transformé en moteur de changement.

Cette organisation non lucrative a été créée par Marie-Alix de Putter qui, suite à l’assassinat de son mari, a connu les affres de la dépression et de l’anxiété. Ayant pu mesurer, par le biais de cette épreuve, l’importance de la santé mentale et ayant su s’en sortir, elle a eu la volonté d’aider d’autres femmes à dépasser ce cap douloureux. Son idée a pris forme en 2021, avec le lancement des activités de l’association. Celles-ci s’articulent autour du bien-être mental dans un contexte marginalisant ce genre de débats.

L’objectif de Bluemind et de ses bénévoles est de déstigmatiser les troubles de la santé mentale et de rendre les soins accessibles. Par le biais de différentes études menées sur le terrain, il a pu être constaté que le réseau médical et paramédical est réparti inéquitablement, sur le continent, d’un pays à l’autre et d’une ville à l’autre. Il a été remarqué aussi qu’un autre réseau pouvait combler ce vide et qu’il jouait d’ores et déjà un rôle d’écoute sans y être dédiée et sans être formé pour ses prérequis.

C’est dans ce contexte qu’est né le projet Heal by hear, le premier réseau de « coiffeuses ambassadrices de la santé mentale ». Il s’agit d’un programme innovant qui forme les professionnelles de la beauté à l’écoute active et à certaines pratiques liées à la santé mentale à travers 6 modules et 2 ateliers pratiques. Au bout de leurs formations, des professionnelles de la beauté sont outillées pour reconnaître les manifestations des troubles mentaux et sont habilitées à orienter les clientes vers les praticiens adéquats.

Il ressort des études de terrain effectuées par l’association dans 7 pays (notamment, le Togo, le Cameroun, la Côte d’Ivoire…) que, sur l’échantillon de 714 femmes et 148 coiffeuses, 67.3% des femmes interrogées affirment se confier à leurs coiffeuses et que 91% des coiffeuses sont prêtes à se former aux premiers secours en santé mentale. Selon les études de Bluemind, 10 coiffeuses seraient, par ailleurs, capables d’assurer la sensibilisation de 3600 femmes par an.

Se confiant facilement à leurs coiffeuses à propos de leurs événements traumatiques ou de leurs expériences personnelles, les clientes trouvent, à travers cette action, plus qu’une écoute passive ou du réconfort.

L’association a également développé d’autres projets comme un programme de bourses d’études d’une durée de quatre ans au profit des étudiants en psychiatrie et un think tank visant à assurer l’information sur la santé mentale par et pour les jeunes.

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