PRÉSENTATION DE L’AUTEUR
QUI EST KARIM KATTAN ?
Karim Kattan est un écrivain palestinien né à Jérusalem. Docteur en Littérature comparée, il écrit en anglais et en français. Son premier recueil de nouvelles qui s’intitule Préliminaire pour un verger futur a été finaliste du Prix Boccace de la nouvelle en 2018. Son premier roman Le Palais des deux collines paru aux Editions Elyzad a remporté le Prix des Cinq continents en 2021. Les écrits de Kattan ont, par ailleurs, été présentés dans de nombreux événements artistiques dont la Biennale de Venise, et le Forum de la Berlinade (Berlin).
L’ŒUVRE EN RÉSUMÉ
Le héros de ce roman est Faysal, un Palestinien trentenaire vivant en Europe. Il revient dans sa terre natale Jabalayn (les deux collines) suite à un faire-part de décès qu’il reçoit. Un retour aux sources qui fait ressurgir les secrets du passé. Les faits se déroulent dans un palais de la haute bourgeoisie chrétienne de Palestine habité par les âmes des ancêtres de Faysal. Les réminiscences du passé sont également représentées par le discours qui se tient, souvent en décalage, entre le héros et sa grand-mère. Sont confrontées, dans le cadre de cette rencontre-découverte deux manières de penser et deux conceptions de l’histoire. Se retrouvent au centre de ce récit, trois générations de Palestiniens et plusieurs prismes oscillant entre précision réaliste et originalité fantastique.
L’EXTRAIT 1
« Ne te méprends pas sur ma situation. Ça va. Ça va bien. La solitude m’est douce. Le temps a épaissi, est devenu tactile et sonore, a pris la forme d’une grosse couette dans laquelle je m’enroule. Parfois, je peux même le goûter. Ça a un goût de fontaines, le temps. C’est vrai que je perds la notion des semaines et des mois. En contrepartie, les journées s’incarnent chacune dans leur singularité, deviennent des compagnonnes de route. En bas de la colline, le village est arrêté. Nous ne sommes pas bien reliés au reste du pays par les routes : c’est un long et cahoteux trajet en voiture, à travers les montagnes, pour parvenir à Jabalayn. Tous les jours, Nawal vient m’annoncer que les colons encerclent la ville au loin avec leurs jeeps. Des vautours prêts à descendre sur nous. Je m’assieds sur la terrasse, chaque jour, et je regarde ce pays en déflagration ; l’horizon est vaporeux, comme un songe dont je peine à m’extraire. J’ai du mal à garder les yeux ouverts. Il est bon de vivre dans cette demi-lumière. » Le Palais des deux collines, Karim Kattan, Les Editions Elyzad, Page 33
LE CADRE TEMPOREL :
Cet extrait du roman instaure un cadre temporel particulier, à la fois évasif et quasi tangible. Pour représenter la temporalité dans laquelle s’inscrivent les faits qu’il rapporte, le narrateur utilise des métaphores. À travers ces images, il donne au temps une dimension étrange mais réconfortante. Il le décrit à travers des adjectifs comme « tactile », « sonore » et des verbes comme « a épaissi ». Le bien-être qu’il constitue est assimilé à une « grosse couette » et son goût est comparé à celui de l’eau d’une fontaine. Le temps est décrit, ensuite, comme un compagnon de route, aux allures aussi multiples que les journées qui le composent. On sait que chacune d’elles est différente mais on apprend également qu’elles recèlent une forme de répétitivité telle une habitude réconfortante : « tous les jours », « chaque jour ».
LE CADRE SPATIAL :
De nombreux détails font référence au lieu décrit dans cette séquence. Il s’agit d’un village qui se trouve en bas d’une colline. En parlant de ce lieu, le narrateur utilise le pronom personne nous, en référence à la communauté qui l’habite et dont il se sent partie intégrante. Ces lieux sont isolés du reste du pays, faute d’infrastructure routière. Ce qui en fait un lieu suspendu, où tout s’est « arrêté » selon les propos du narrateur. Ce lieu se nomme Jabalayn, ce qui veut dire « les deux collines » en arabe littéraire. On y parvient via un chemin « à travers les montagnes », décrit comme « long et cahoteux ». La vue que le narrateur a sur ce lieu, à partir de sa terrasse, ressemble à une vision onirique tant « l’horizon » qu’il en aperçoit est « vaporeux ». Cette indication sur le cadre spatial ne fait qu’accentuer la nature singulière de la perception du temps.
L’EXTRAIT 2
« J’ai atterri dans un pays d’Europe et je ne suis plus jamais rentré. Il n’y avait pas grand-chose à faire ici. Ils étaient morts. J’étais l’heureux et unique héritier de tous les biens de mes oncles et tantes. Des terrains partout en Palestine, que j’ai rapidement fait vendre. Pour le palais, j’ai embauché l’avocat d’un village du coin, qui s’occupait chaque année de m’appeler pour me dire que, c’est bon, Monsieur Faysal, personne ne squatte le palais, je vous souhaite une belle année. […] Mais qui serait assez fou pour venir squatter à Jabalayn, je te le demande.
Avec l’argent des terrains (mais qui sont ces gens assez cons pour acheter en Cisjordanie ? Les pauvres, j’ai presque l’impression de les avoir arnaqués : les forces armées ont tout pris depuis), j’ai vécu bien confortablement dans ton pays. […] Mais je suis allé trop loin, attends, je dois revenir. Où en étais-je ? Oui, mon arrivée ici. Quand je suis entré au village, il n’avait pas changé d’un iota, comme si le temps s’était suspendu. Le flux s’était arrêté, les fleuves immobilisés, les fleurs stupéfiée, l’air lui même figé en un instant éternel. Les pierres massives des maisons chatoyaient de blanc au soleil d’hiver. Les murs mêmes lézardés, étaient transis, piégés dans un printemps que je n’avais jamais connu, dans des saisons énigmatiques. Alors que nous longions le domaine de Joséphine, désormais un désert, j’ai demandé au taxi de s’arrêter. « Tu vas à la maison hantée là-haut ? » s’est enquis le chauffeur qui ressemblait vaguement à un Jihad édenté. Je lui ai répondu, oui, c’est la maison de ma famille. Surpris, il a murmuré « Dieu nous préserve » en se signant. J’ai tiré de ma sacoche le faire-part : m’étais-je trompé de date, de lieu ? Avais-je rêvé Rita ? Mais c’était bien écrit là, sous mes yeux, la veillée pour tante Rita ce dimanche. »
Le Palais des deux collines, Karim Kattan, Les Editions Elyzad, Pages 80 à 84.
LE CADRE SPATIAL :
De nombreux détails font référence au lieu décrit dans cette séquence. Il s’agit d’un village qui se trouve en bas d’une colline. En parlant de ce lieu, le narrateur utilise le pronom personne nous, en référence à la communauté qui l’habite et dont il se sent partie intégrante. Ces lieux sont isolés du reste du pays, faute d’infrastructure routière. Ce qui en fait un lieu suspendu, où tout s’est « arrêté » selon les propos du narrateur. Ce lieu se nomme Jabalayn, ce qui veut dire « les deux collines » en arabe littéraire. On y parvient via un chemin « à travers les montagnes », décrit comme « long et cahoteux ». La vue que le narrateur a sur ce lieu, à partir de sa terrasse, ressemble à une vision onirique tant « l’horizon » qu’il en aperçoit est « vaporeux ». Cette indication sur le cadre spatial ne fait qu’accentuer la nature singulière de la perception du temps.
LE NARRATEUR :
Dans cet extrait, nous sommes en présence d’un narrateur qui relate des faits passés. On y retrouve le pronom personnel « je » et l’on apprend à travers les échanges qui sont rapportés qu’il s’appelle Faysal. Celui-ci raconte un pan de sa vie à une personne dont l’identité n’est pas explicite, mais dont on connait l’origine européenne. À travers ce qui est raconté, l’on apprend que Faysal est Palestinien et qu’il est parti vivre en Europe. Il a laissé derrière lui un patrimoine familial et une histoire personnelle remplie de souvenirs. Sa vie loin de ses terres est une vie aisée, facilitée financièrement par l’argent qu’a rapporté son héritage. On constate toutefois, que malgré la mort de ses « oncles et tantes », la vente de ses terres et le voyage entrepris, la rupture avec son origine n’est pas définitive.
LE RÉCIT :
Le narrateur raconte son retour sur sa terre natale et aborde, dans ce cadre son départ par le passé. Des précisions sur les raisons de ce retour sont données à la fin de l’extrait. L’on apprend que celui-ci fait suite à un décès : celui de Rita, la tante du héros. En fait preuve un faire part que le narrateur a entre les mains et où est marquée la date de la veillée funéraire. C’est la raison pour laquelle Faysal revient sur des lieux décrits comme « hantés » qu’il aperçoit de loin et qui s’avèrent être sa propriété familiale. Ce lieu se situe dans un village que le narrateur retrouve avec émotion et étonnement. Dans ce cadre spatial, le temps semble s’être arrêté. Afin d’accentuer cet effet, le narrateur recourt à des vocables connotant l’immobilisme comme « suspendu », « arrêté », « immobilisés », « figé », « éternel ».