Ailleurs et ici est un recueil de poèmes d’El Hadj Kassé, journaliste, communicant et écrivain sénégalais. Le poète y aborde un militantisme par les mots et contre la résignation. Révélant les injustices pour mieux les affronter, les constatant pour mieux les annihiler, le poète dresse le portrait d’un monde personnel et intérieur où cohabitent d’antagonistes dualités : le passé et l’avenir, l’ailleurs et l’ici.

Lecture du monde et des tréfonds de soi, chacun des vingt-et-un poèmes de ce recueil est une ode à l’attachement aux valeurs communes, à l’enracinement dans une culture collective et à une quête d’un laborieux équilibre avec l’Autre.

Très présente dans ces textes poétiques, une figure maternelle particulière et très inspirante par sa puissance et sa diversité : Mère Nature. Représentée à travers sa lumière, ses phénomènes physiques, son caractère de muse et de grande enchanteresse, la nature est ici omniprésente. Comme elle, le temps est une figure bien représentée : à la fois, allié et ennemi de l’Homme.

Le recueil s’articule autour de quatre parties : Présent indicatif, Eternité, Ballade et Courage. Le poète y aborde des thématiques en lien avec la réalité, d’autres relevant de l’imaginaire, de l’onirique et du quasi-oraculaire.

Philosophe de formation et spécialiste en psychologie et en sociologie, El Hadj Kassé retranscrit le cheminement d’une pensée intérieure et suit, en vers, les pérégrinations d’un esprit libre et foisonnant, réécrivant l’anecdotique présent et imaginant un futur chargé d’une « réinvention festive » et prometteur de belles « idylles à venir ».

El Hadj Kassé, Ailleurs et ici, Editions Panafrika, Silex/ Nouvelles du Sud

Touhfatt Mouhtare : l’originalité récompensée

Le feu du milieu de la Comorienne Touhafat Mouhatre obtient le Prix Alain Spiess 2022. Un deuxième roman salué pour son originalité et un succès augurant d’autres distinctions, selon de nombreux critiques.

Le feu du milieu de Touhfat Mouhtare édité par Le Bruit du monde a décroché le prix Alain Spiess 2022. Il s’agit d’un roman dont les actions se déroulent sur l’île d’Itsandra aux Comores. Gaillard est le personnage principal de cette oeuvre et le point focal d’une narration qui se veut le miroir de ses états d’âme et qui suit le rythme de ses rencontres et de l’aspect fantastique qui s’en dégage. S’enchevêtrent alors, dans ce récit, le prosaïque et le légendaire, le réalisme et le conte imaginaire.

En décrivant le quotidien de cette servante et en épousant la démarche foisonnante de sa pensée, l’auteure abolit les frontières entre le monde imaginaire et le monde réel.

Au fil des 334 pages qui constituent ce roman, on assiste à un parcours initiatique lors duquel l’héroïne découvre le monde et se découvre à travers ses interactions avec ceux qui l’habitent.

En effet, lors de ce voyage intérieur jalonné d’allusions au surnaturel, Gaillard est accompagnée de figures parentales comme sa mère adoptive qui lui raconte des légendes héritées de ses ancêtres et son maître qui lui fait apprendre le Coran. Grâce à eux, la jeune femme s’adonne, avec soif et curiosité, à la quête du savoir et entreprend ainsi une quête de la liberté.

En outre, une rencontre avec Halima, une fille fuyant un mariage de force, vient donner aux pérégrinations de Gaillard, une notre intrigante. A deux, elles croisent des personnages fantasmagoriques comme les « djinns ». Les deux femmes s’emparent ainsi de l’imaginaire monopolisé par les hommes, le visitent en le déconstruisant.

Mouhtare explore, dans son roman, la mémoire commune, à la recherche de vérités. Elle déclare avoir recouru à l’imaginaire collectif en se faisant aider par des sages de sa communauté. C’est de cette façon que l’auteure a pu créer ses propres mythes et inventer ses propres légendes.

Touhfat Mouhtare est née en 1986, à Moroni aux Iles Comores. Arrivée en France dans le cadre de ses études, elle y poursuit un parcours d’auteure débuté aux Comores. Son premier roman « Vert cru » a été édité en 2018 et a obtenu la mention spéciale du Prix du Livre insulaire au salon d’Ouessant.

Le prix Alain Spiess a été initié en 2017 en l’honneur de l’écrivain Alain Spiess décédé en 2008. Ce prix distingue les ouvrages jugés singuliers. Ont été récompensés depuis sa création :

  • En 2017 : Une chance folle, Anne Godard, éditions de Minuit
  • En 2018 : Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu, Actes Sud
  • En 2019 : Trois concerts, Lola Gruber, Phébus.
  • En 2020 : Là d’où je viens a disparu, Guillaume Poix, éditions Verticales

Contes africains, l’hommage au patrimoine oral

Contes africains est un recueil qui regroupe vingt contes ivoiriens paru chez Gründ Jeunesse et Nimba. Cet ouvrage est le fruit de recherches effectuées par l’association « Des livres pour tous », créée par l’autrice ivoirienne Marguerite Aboüet.

Les histoires compilées n’ont pas d’auteurs connus mais font partie d’un patrimoine oral que ladite association entend préserver en les collectant et en les offrant au public.

Souvent allégoriques et à tendance instructives, ces contes ont été revus par des auteurs et accompagnés d’illustrations de dessinateurs africains. Ce travail a été l’occasion de véhiculer des valeurs parfois absentes des versions originales, comme la valorisation de l’apport de la femme dans la société et l’allusion aux problématiques écologiques.

Regroupant des contes emplis de sagesse et dotés indirectement de morales, cet ouvrage se destine à un public large, à travers l’évocation de thématiques universelles. La transmission de cet héritage culturel sonore s’adapte également aux spécificités du jeune public adepte de culture numérique. Ainsi, un QR Code permettra à ceux qui le souhaitent d’écouter les créations sonores sublimant le contenu des vingt contes.

Rappelons qu’avant ce projet de livres l’association de Marguerite Aboüet avait travaillé sur une série de podcasts à partir de contes africains. L’autrice de bandes dessinées s’était associée avec le collectif français de créateurs sonores, Making Waves, donnant ainsi naissance à un contenu radiophonique diffusé sur Radio France internationale (RFI).

Contes africains est un hommage rendu au patrimoine sonore en le retranscrivant et un effort d’immortalisation de sa richesse à travers sa numérisation.

« Balad », un album de sentiments

Balad, de Lina Gargouri, est publié chez Awtar Édition. Cette jeune

Tunisienne a fait le choix d’associer ses deux passions, la photographie et l’écriture, au profit d’un ouvrage conçu comme un hommage à Sfax, grande ville du Centre tunisien.

L’autrice offre à son lecteur une balade dans ces terres qu’elle affectionne. Au rythme de ses pérégrinations, se construit le cheminement de sa pensée.

Quatre chapitres en constituent les axes majeurs : terre, mer, lumières, senteurs. Maniant la photo et la prose, la jeune femme offre une image animée de sa ville, dotée de lumières et d’odeurs. On découvre ainsi, à travers les illustrations et le texte, des scènes de vie pourvues d’un grand réalisme et on accompagne la fulgurance comme la profondeur de la réflexion qui nous est offerte.

Les images de la mer, du mouvement des vagues, de l’agitation des barques des pêcheurs allant y chercher de quoi faire vivre leur famille et nourrir les leurs rappellent à l’autrice le destin tragiquement choisi par les migrants qui s’aventurent en mer.

L’activité quotidienne des ouvriers autour de la récolte des olives plonge, quant à elle, Lina Gargouri et son lecteur dans une introspection en lien avec les ancêtres et leur attachement à leurs terres.

« Ce livre est une capture d’image, loin des clichés », construite comme une ode aux racines. Balad, qui signifie « ville » est le premier livre d’une collection que Awtar Édition entend lancer afin de promouvoir différentes villes à travers le regard et la plume de leurs jeunes talents.

Encadré

Tunisie : la francophonie à l’académie des lettres

S’est tenue, à l’Académie tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts Beit el-Hikma, le 14 octobre 2022, une journée d’études intitulée « Littérature, imagination et histoire dans la littérature tunisienne de langue française ».

Cet événement a été l’occasion pour d’éminents universitaires de débattre autour de la présence tunisienne dans le champ francophone et de la représentation du réel et de l’imaginaire tunisiens à travers les productions littéraires en langue française.

Ce rassemblement a été marqué par l’inauguration d’une nouvelle chaire au sein de cette institution académique. Une initiative de professeurs des universités tunisiennes a, en effet, permis de créer un groupe de recherches en littératures francophones.

Le groupe de chercheurs prévoit la mise en place d’un programme d’activités qui débutera à la rentrée 2022-2023. Composé d’auteurs et d’universitaires, cette initiative permettra de consolider les efforts des acteurs de la francophonie littéraire en Tunisie et de cibler des objectifs communs tels que la valorisation et l’étude du livre tunisien en langue française.

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