Biographie

Le poète Aimé Césaire est né le 26 juin 1913 en Martinique d’un père fonctionnaire et d’une mère couturière.

Durant ses études à Paris au lycée Louis-Le-Grand, il a fait la rencontre de Léopold Senghor, le grand poète et homme politique sénégalais. Il a découvert, également, à travers ses rencontres estudiantines, ce que plusieurs de ses compatriotes de culture vivent comme de l’oppression culturelle visant à l’assimilation.

C’est dans ce contexte que se sont développées les idées fondatrices de la négritude, dont il est devenu l’un des chefs de file.

Également engagé en politique, Césaire a été député puis maire de Fort-de-France. Il a aussi été président du Conseil régional de la Martinique.

Aimé Césaire est à la fois poète, dramaturge et essayiste. Il a à son actif des dizaines d’œuvres, dont : 10 recueils de poèmes, 4 pièces de théâtre, 5 essais.

À ma mère

Ma mère ne s’opposait à rien
Elle était accueil
Elle était comme la lune
Qui accueille la lumière du soleil…

Ma mère souriait à la vie
Je l’ai vue sourire…
Elle apprenait avec patience à se faire à tout :
Elle tâchait de se tirer des misères
Que lui réservait l’existence…

Elle communiait aux joies.
Elle avait appris de sa mère, ma grand-mère,
Que la vie est un don,
Un don que l’on reçoit
Un don qu’il faut entretenir,
Un don qu’il faut communiquer…

Elle ne travaillait pas pour s’enrichir
Elle travaillait pour vivre…
Vivre pour elle, c’était marcher avec mon père.
Elle faisait tout pour se montrer digne de son mari…

Elle entreprenait tout
Pour se montrer digne de ses enfants…
Quand il s’agissait de rendre heureux
Elle ne calculait pas

Aimé Césaire, poète antillais 1913-2008

Dans ce poème, Césaire fait l’éloge de sa mère. Il la décrit et relate le parcours de sa vie, il l’évoque à travers ses croyances, son héritage culturel et le souvenir qu’il a gardé d’elle. Le titre choisi fait de ce poème une lettre conçue comme un hommage à la figure maternelle.

La mère, l’incarnation de la perfection

Le poème s’ouvre sur une phrase négative : « Ma mère ne s’opposait à rien ». Le poète choisit de présenter sa mère en ne se contentant pas de ses qualités et de ses actions mais en faisant part de ce qu’elle n’est pas et de ce qu’elle ne fait pas.

Deux autres phrases négatives sont utilisées : « Elle ne travaillait pas pour s’enrichir », « Elle ne calculait pas ». Tout au long des vers suivants, le poète opte pour un style argumentatif et procède à la description de sa mère et de la conception qu’elle a de la vie.

Pour cela, plusieurs figures de style sont employées. La métaphore : « Elle était accueil ». La comparaison : « Elle était comme la lune / Qui accueille la lumière du soleil… » Et l’emphase, présente à travers le recours à « tout » : « Elle apprenait avec patience à se faire à tout », « Elle faisait tout pour se montrer digne de son mari », « Elle entreprenait tout ».

Le poète recourt à des images donnant à sa mère un aspect surnaturel. Il l’assimile à un astre et la dote de caractère presque divin : « Elle était accueil ». Il alterne entre l’éloge de l’exceptionnel qu’elle porte en elle et sa manière de la percevoir au quotidien. L’affirmation « Je l’ai vue sourire » intervient à la deuxième strophe comme une preuve de l’image métaphorique qui la précède : « Ma mère souriait à la vie ».

Selon le poète, sa mère entreprenait un rapport spirituel avec la vie et ce qu’elle présente de plaisant : « Elle communiait aux joies ». Il explique l’origine de ce savoir-faire exceptionnel : l’héritage maternel. Cette capacité à entrer en communion avec le bonheur a été inculquée à la mère par sa mère à elle, comme un don exceptionnel qui se transmet d’une génération à une autre et dont l’essence est : concevoir la vie comme un don, « Un don que l’on reçoit / Un don qu’il faut entretenir, / Un don qu’il faut communiquer… ». L’existence en devient, selon cette conception familiale, un privilège qui ne se vit pas dans la passivité, mais qui s’apprécie à travers le soin qu’on y accorde et le plaisir qu’on a à le partager.

La mère, image du sacrifice et de la résilience

Outre son caractère exceptionnel, la mère du poète est décrite à travers sa capacité à dépasser les problèmes et sa manière d’appréhender son quotidien et ses relations avec sa famille.

En effet, cette mère ferait preuve de résilience face aux difficultés :

« Elle apprenait avec patience à se faire à tout : / Elle tâchait de se tirer des misères / Que lui réservait l’existence… »

Elle est également proche de sa famille et consacre son quotidien à l’entretien de sa relation avec les membres qui la composent : « Vivre pour elle, c’était marcher avec mon père. »

Toutefois, le poète relève que sa mère était fascinée par son mari et que, malgré toutes ses qualités, elle manifestait à l’égard de celui-ci une forte admiration la poussant à faire « tout pour se montrer digne » de lui et de ses enfants.

Cette manière d’appréhender sa propre existence illustre certes le dévouement de cette mère pour sa famille, mais dénote, comme le marque le poète à deux reprises, d’un sens presque excessif du sacrifice de soi.

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