L’OIF a rendu public, en février 2025, un rapport détaillant les actions et les perspectives de la Stratégie de la Francophonie pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, des droits et de l’autonomisation des femmes et des filles. En voici les détails.
L’OIF a mis en place, en 2018, lors du Sommet d’Erevan en Arménie, une stratégie (Stratégie EFH) visant la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les actions sont menées sur des territoires aux divers schémas sociaux et géographiques et permettent de lancer des initiatives, de créer des synergies et de fédérer en faveur du changement.
Le rapport publié par l’OIF est un bilan d’étape revenant sur l’impact de différentes actions et présentant cette thématique comme une urgence en faveur du soutien aux femmes et aux filles en vue de la préservation de leurs droits et de l’amélioration de leurs situations sociale, économique et psychologique.
Dans ce rapport relatif aux actions menées dans ce sens, l’OIF parcourt les jalons posés en faveur des droits des femmes et des filles, de leur éducation et de leur la formation, de leur autonomisation économique, de leur leadership et de leur participation dans la vie politique, économique, sociale et culturelle.
Encadré
Le rapport revient sur des actions devenues emblématiques, outre celles tenues en marge de la Commission de la condition des femmes des Nations unies à New York, et sous l’égide de l’Union africaine, comme :
- La 3ème conférence sur la masculinité positive
- Le Fonds « La Francophonie avec Elles », lancé en 2020, ayant déjà soutenu plus de 286 projets dans 30 pays, touchant près de 80 000 femmes.
- Le Réseau francophone pour l’égalité femmes-hommes (RF-EFH), qui procède à des actions qui renforcent les organisations de la société civile (OSC), par le biais du coaching de leurs leaders et membres et « la création d’espaces consacrés au renforcement des liens ou à la mise en œuvre de réalisations conjointes ».
- Le consortium international d’établissements a été initié avec ONU Femmes en vue de la création de ressources éducatives de qualité en langue française sur l’égalité femmes-hommes (mises à disposition en mars 2023).
- Un programme de certification a été mis en place en collaboration avec l’Université Senghor. Son objectif est d’accompagner les décideurs politiques pour que l’égalité femmes-hommes soient intégrées dans les stratégies des politiques publiques nationales.
- Un programme de renforcement des capacités a permis d’aider à la conception et au pilotage de politiques publiques intégrant l’égalité femmes-hommes. En ont bénéficié, en 2023 et 2024, près de 80 cadres et responsables des ministères, des instances décentralisées et parlementaires de 21 pays.
Le rapport revient dans un premier temps sur « l’engagement accru de la Francophonie, qui se manifeste par l’adoption d’un corpus normatif progressiste et inclusif, particulièrement attentif aux droits des femmes ». Les bases de ce corpus sont : le Cadre stratégique de la Francophonie 2023-2030, la programmation de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour 2024-2027 et l’approche par projet de l’OIF.
Dans un deuxième temps, le rapport aborde la mise en œuvre des actions de la Francophonie, autour des cinq axes d’intervention inhérentes à la Stratégie EFH, les résultats (quantitatifs et qualitatifs) obtenus. Y sont mises en avant les initiatives collaboratives avec des entités telles qu’ONU Femmes et le Réseau francophone pour l’égalité femmes-hommes, ainsi que d’autres réseaux institutionnels.
Encadré
LES ENJEUX DE L’INEGALITE ET L’ENGAGEMENT DE LA FRANCOPHONIE :
L’espace francophone recèle une diversité culturelle porteuse de richesses mais également d’héritages sociaux affectant la notion d’égalité de genre. Le rapport détaille, dans ce contexte, des situations qui persistent malgré les avancées législatives et discriminent les femmes comme :
- La participation des femmes au marché du travail avec des écarts de 20 % en moyenne par rapport aux hommes
- L’autonomisation économique des femmes mise en difficulté car seulement 55 % des femmes en âge de travailler participent à la force de travail (76 % des hommes, selon les données de la Banque mondiale).
- Les violences basées sur le genre persistent, avec des taux alarmants de violences domestiques et sexuelles. Environ 35 % des femmes dans l’espace francophone ont subi des violences physiques et/ou sexuelles au cours de leur vie, selon un rapport d’ONU Femmes.
- L’accès à l’éducation fait partie des situations handicapant les perspectives économiques et sociales des femmes. Dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne, près de 24 % des filles ne sont pas scolarisées.
- L’impact des traditions culturelles (comme les mariages précoces et les rôles domestiques) affecte le quotidien des filles (déscolarisation) et limite leur avenir.
- Les inégalités au niveau scolaire accentuent l’inégalité : le manque d’infrastructures éducatives, les violences sexistes et sexuelles en milieu scolaire, les obstacles financiers et le manque de sensibilisation sur l’importance de l’éducation des filles.
- L’accès à la scolarisation connait des différences visibles au niveau de l’espace francophone. En Afrique subsaharienne, ce défi concerne les filles et les jeunes femmes lors de l’achèvement de leurs études secondaires et supérieures.
CINQ AXES D’ACTION :
Cinq axes ont été abordés, dans le rapport, pour définir la démarche en faveur de la promotion de l’égalité femmes hommes :
Axe 1 : PROMOUVOIR LES DROITS DES FEMMES ET DES FILLES VULNÉRABLES, ET LUTTER CONTRE TOUTE FORME DE DISCRIMINATION ET DE VIOLENCE
- PROMOUVOIR L’ACCÈS AUX DROITS PAR LA DÉLIVRANCE D’UN ACTE D’ÉTAT CIVIL :
Le rapport place l’inscription des jeunes filles à l’état civil comme un impératif que les autorités locales et les leaders d’opinion doivent soutenir pour garantir l’accès à des droits fondamentaux (le droit à l’éducation, le droit à un travail régulier, les droits politiques, la liberté de circulation ou encore la liberté d’accès à la propriété). « L’objectif est crucial : permettre aux filles de jouir des mêmes droits que les garçons à travers le bénéfice du droit à l’identité », justifie le rapport.
- PRÉVENIR ET LUTTER CONTRE TOUTES LES FORMES DE VIOLENCES :
La Francophonie œuvre à la création d’un environnement sécurisant et respectueux pour les filles et les femmes. Comme exemples d’actions dans ce cadre :
- Une présence aux côtés de l’Union africaine, à la campagne mondiale de l’ONU contre les violences faites aux femmes et aux filles, dans le cadre des 16 jours d’activisme du 25 au 10 décembre 2023
- L’OIF soutenait la participation du secteur académique à la 3ème Conférence sur la masculinité positive organisée par l’Union africaine, les 27 au 28 novembre 2023, autour du thème : « Accélérer l’engagement autour de la convention de l’Union africaine sur la fin des violences contre les femmes et les filles ».
- LUTTER CONTRE LES STÉRÉOTYPES :
L’OIF mène des actions visant à lutter les discriminations envers les femmes et se basant sur la déconstruction des stéréotypes. « La Francophonie compte aujourd’hui 140 millions de femmes. À l’horizon 2050, elles seront 350 millions ». Les défendre passe, comme l’indique le rapport par la lutte contre les stéréotypes de genre « qui constituent les causes profondes de l’exclusion des femmes des domaines économiques, politiques et sociaux ».
Encadré : Une des actions emblématiques de la Francophonie a été la coproduction d’un cours en ligne ouvert et massif (CLOM) sur l’EFH avec l’appui technique de l’Université Senghor à Alexandrie, le premier de ce type à l’échelle de la Francophonie (sensibilisation de 5 124 personnes provenant de 94 pays aux enjeux de l’égalité femmes-hommes).
Le sport est également un moyen de déconstruction des stéréotypes de genre. Une intégration transversale des enjeux de genre a été intégrée par le Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF) dans le cadre de l’organisation des Jeux de la Francophonie de 2023 à Kinshasa.
Axe 2 : ASSURER UNE ÉDUCATION ET UNE FORMATION ET VALORISER LA PARTICIPATION DES FEMMES À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA RECHERCHE
- ASSURER UN ACCÈS ÉQUITABLE À L’ÉDUCATION ET À LA FORMATION POUR TOUTES LES FEMMES ET LES FILLES :
- Le programme IFADEM (L’Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres) fait partie des projets majeurs dans ce cadre. Il a généré « un livret pour sensibiliser et former les enseignants et les directeurs d’école aux pratiques favorables à l’égalité entre filles et garçons, visant à créer un environnement scolaire plus inclusif et à encourager les jeunes filles à poursuivre leurs études et à s’orienter vers des filières traditionnellement masculines ».
- La CONFEMEN a mené des actions en faveur de la participation des femmes à la recherche, et notamment aux filières scientifiques. La 60ème Session ministérielle de CONFEMEN, tenue du 22 au 26 avril 2024 à Abidjan, a permis d’approfondir la question de l’orientation des jeunes, notamment les filles, vers les filières scientifiques et technologiques, mais également de leur formation et leur employabilité.
- L’OIF a déployé des activités en partenariat avec l’Institut africain des sciences mathématiques (AIMS) « portant sur l’amélioration de l’accès et la participation des femmes aux domaines d’études techniques émergents tels que ceux liés aux sciences, aux technologies, à l’ingénierie et aux mathématiques (STIM) ».
- RENFORCER LA QUALITÉ DE L’ÉDUCATION ET DE LA FORMATION POUR LES FEMMES ET LES FILLES :
L’éducation inclusive et équitable passe par les actions menées au profit des enseignants et par la mise en place de ressources adaptées.
- Le portail RELIEFH : une plateforme de partage de ressources éducatives mise à la disposition des enseignant(e)s et du personnel d’encadrement. « 216 ressources ont été publiées en 2023 et 2024, une nette augmentation comparée aux 48 ressources publiées entre 2019 et 2022 ».
- Un consortium international d’établissements souhaitant s’engager dans une démarche de promotion de l’EFH (initié par l’AUF aux côtés d’ONU Femmes). Les travaux de ce consortium achevés en mars 2023 ont abouti à la production d’outils pratiques comprenant plus de 200 ressources documentaires multimédias francophones et gratuites sur la thématique de la promotion de l’EFH.
- Le Réseau des centres régionaux francophones (CREF) et la Mobilité des enseignantes et enseignants de français ont élaboré un kit pédagogique « Vivre ensemble en bande… dessinée »
- La mise en place d’une norme « Éducation-Égalité » pour des manuels scolaires sensibles à l’égalité femmes-hommes (développée par l’OIF en partenariat avec le Réseau Normalisation et Francophonie).
Axe 3 : FAVORISER L’AUTONOMISATION ÉCONOMIQUE DES FEMMES ET DES FILLES DANS LA PERSPECTIVE D’UN DÉVELOPPEMENT DURABLE ET D’UNE CROISSANCE INCLUSIVE
- UN SOUTIEN RENFORCÉ ENVERS LES FEMMES ACTRICES DE LEUR AUTONOMIE :
« C’est dans cet esprit, et en réponse à la crise de la covid 19, que le Conseil permanent de la Francophonie, sur proposition de la Secrétaire générale de la Francophonie, a institué le 9 juillet 2020 le Fonds « La Francophonie avec Elles » (FAE). Conçu initialement pour une période de quatre années, ce Fonds a été pérennisé en 2023 pour renforcer l’autonomie financière et sociale des femmes ».
- ŒUVRER POUR L’ÉGALITÉ DANS LES DOMAINES OÙ LES FEMMES DEMEURENT SOUS-REPRÉSENTÉES :
L’OIF a placé le numérique comme une priorité transversale dans ses projets au profit de l’égalité femmes hommes. Comme exemples ces deux projets :
- Un atelier de réseautage pour femmes entrepreneuses francophones en Tunisie, en novembre 2023 a été initié par l’OIF, avec pour objectif : « renforcer leurs compétences entrepreneuriales et d’encourager la collaboration entre elles ».
- Le projet D-CLIC valorise l’accès des filles et des femmes à la formation au numérique. « En 2023-2024, huit pays ont bénéficié du projet D-CLIC (Burkina Faso, République démocratique du Congo, Djibouti, Madagascar, Mali, Mauritanie, Sénégal et Tchad) ».
- SOUTENIR L’ENGAGEMENT DES FEMMES POUR L’ENVIRONNEMENT :
- L’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) a mené des formations au profit des jeunes femmes francophones afin de soutenir leurs projets dans des secteurs comme les TIC, l’eau, l’énergie, la construction, la foresterie, l’agriculture, l’industrie, la gestion des déchets, la mobilité urbaine, la finance durable et les biotechnologies.
- Trois appels à projets ont été lancés en 2024, en Afrique centrale, afin de soutenir les initiatives environnementales dans les pays du bassin du Congo. L’objectif de ces appels est de soutenir les femmes porteuses de « solutions éco-innovantes mais aussi de promouvoir des projets climato-économiques intégrés ».
- Une première formation dans le cadre de la phase 3 du FEDACAM a permis à une vingtaine de femmes maires, au Cameroun, de bénéficier d’une première formation « Genre et énergie », le 7 novembre 2023.
- L’OIF apporte, également, « un soutien financier et technique aux associations et ONG œuvrant pour les droits des femmes à travers le Réseau francophone pour l’égalité femmes hommes ».
Axe 4 : PROMOUVOIR LE « LEADERSHIP », RENFORCER L’ÉGAL ACCÈS ET LA PARTICIPATION DES FEMMES DANS LA PRISE DE DÉCISION
- UN PLAIDOYER ACTIF :
- Le 4ème Forum africain sur les femmes, la paix et la sécurité, s’est tenu à Addis-Abeba, en 2023, pour mettre en avant les actions menées pour l’inclusion des femmes dans les processus de paix.
- Les débats ont été inclus dans l’agenda « Femmes, paix et sécurité », dans le cadre d’une session d’information organisée à New York, en 2023, pour les conseillers militaires et les experts en opération de paix des Missions permanentes francophones. « Cette initiative a mis en lumière les dispositifs d’accompagnement pour les femmes francophones souhaitant participer aux missions de paix, renforçant ainsi leur rôle stratégique et opérationnel dans la paix et la sécurité ».
- RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DES FEMMES :
- L’OIF a mené, en 2023, des négociations internationales sur le climat, la biodiversité et la désertification dans le but de « renforcer les capacités de 250 négociatrices des pays francophones en matière de prise de décisions environnementales ».
- Une formation en leadership féminin et gouvernance politique a été menée au profit de 105 femmes candidates aux élections municipales de septembre 2023 en Côte d’Ivoire. En 2024, ce sont 135 femmes à Madagascar qui ont été formées à la participation politique et sensibilisées à l’engagement dans les processus électoraux. D’autres formations ont été organisées au Tchad et au Gabon.
- 200 diplomates et fonctionnaires cambodgiens ont été formés (en français), pour renforcer la participation des femmes dans la haute fonction publique et dans les processus décisionnels.
Axe 5 : L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES SUR LE PLAN ORGANISATIONNEL
- SUIVI-ÉVALUATION DE LA PROGRAMMATION
Un outil de suivi et de désagrégation des indicateurs par sexe et par âge, a été mis en place. Il permet de « documenter les changements qualitatifs induits par chaque projet auprès des bénéficiaires cibles, notamment les femmes et les jeunes ».
- ADAPTATION BUDGÉTAIRE
L’OIF place la femme comme prioritaire, dans sa programmation 2024-2027. « Cela se traduit sur le plan budgétaire par l’allocation des ressources aux projets. Des efforts ont été produits pour une plus grande efficacité des moyens mis en œuvre », précise le rapport qui rappelle que « l’ambition et l’urgence d’accélérer le rythme pour l’atteinte de l’égalité femmes-hommes requièrent des ressources financières importantes afin de produire des effets tangibles ».
- LA PARITÉ DANS LES SPHÈRES DÉCISIONNELLES DE LA FRANCOPHONIE
L’OIF met en pratique son credo au profit de l’égalité à travers une parité femmes-hommes dans les postes décisionnels. « En matière de gestion des ressources humaines, l’Organisation promeut l’égalité des droits, des responsabilités et des opportunités pour tous, indépendamment de l’âge. En 2023 et 2024, le service des ressources humaines a activement travaillé pour assurer cette égalité dans les trois volets fondamentaux : droits, responsabilités et opportunités. (…) À ce jour, sur les 34 recrutements réalisés par l’OIF en 2023, 18 femmes ont été recrutées, représentant 53 % du total, un ratio qui a progressé en 2024 avec 67 % de femmes embauchées ».
- UNE POLITIQUE DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LE HARCÈLEMENT
Afin de concrétiser sa lutte contre le harcèlement, « l’OIF s’est inspiré des recommandations et des bonnes pratiques internationales et a adopté, en septembre 2023, une politique de prévention et de lutte contre toute forme de harcèlement, afin de promouvoir et de favoriser un environnement de travail harmonieux et sûr, exempt de toute forme de harcèlement ».
- UNE STRATÉGIE DE COMMUNICATION SENSIBLE À L’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES
L’OIF recourt à une communication mettant en exergue l’égalité entre les femmes et les hommes. Comme exemples : « Les portraits et les entretiens publiés valorisent autant les femmes que les hommes. De même, l’OIF veille au respect de la parité dans la représentation graphique, écrite, vidéo ou dans les réseaux sociaux et s’applique à lutter contre les stéréotypes de genre. Le respect de la parité est étendu autant que possible aux prix et concours ».
Le rapport élabore également, une vision stratégique pour la consolidation des résultats atteints et la mise en place de perspectives évolutives.
En effet, le Cadre stratégique 2023- 2030 privilégie une « approche intégrée de l’égalité » et repose, à la fois, sur un plaidoyer spécifique et sur la multiplication des actions (sur le terrain et au moyen d’un process inclusif). Quant à la programmation de l’OIF 2024-2027, elle détaille les actions à venir à partir des besoins et des objectifs à atteindre. « Il s’agit d’assurer que les effets et les impacts des projets déployés sur le terrain permettent de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes, et d’accélérer les transformations sociétales », précise le rapport.