Issam Ayari est actif sur la scène théâtrale tunisienne depuis plusieurs années. Les pièces Sa-piens et Homo deus (écrites et interprétées par lui-même) l’ont confirmé aux yeux du public, qui l’avait découvert en tant que comédien dans des projets collectifs. Banquier de profession, il choisit d’étudier le théâtre jusqu’à s’imposer dans le milieu. Avec un style décalé, un hu-mour qui fait réflé chir et une subtilité dans l’art de porter ses propres textes, Ayari réinvente la scène tunisienne et y appose l’empreinte de sa singularité.
Qu’est-ce qui vous a attiré vers le milieu théâtral ?
Que voudriez-vous y apporter ? Je suis diplômé en langue et civilisation anglaises et, par le biais de ma formation académique, le théâtre a constitué le socle de mes connaissances. Des années après avoir quitté la vie d’étudiant, je suis redevenu élève et j’ai pu découvrir autrement le quatrième art, grâce à une formation d’acteur, suivie au Teatro Studio. Dans cette école lancée en 2003 par Taoufik Jebali, une figure majeure du théâtre tunisien, j’ai fait mes premières expériences sur les planches et mesuré ainsi ce que la pratique du théâtre avait de différent par rapport à ce que j’en savais sur le plan théorique. Ma passion a pris alors une autre forme. Quinze années ont passé depuis mes premiers essais sur scène, et je suis habité par le même enthousiasme pour ce que j’ai appris, avec un objectif de plus : celui de pouvoir apporter, par ma modeste contribution, quelque chose de différent au théâtre tunisien.
Vos deux pièces majeures portent les titres d’œuvres de Yuval Noah Harari. Est-il votre source d’inspiration ?
Honnêtement, Yuval Harari n’est qu’un prétexte. J’ai connu ses livres quand son ouvrage Sapiens est devenu un best seller mondial en 2015. Je l’ai lu, et j’admire son incroyable maîtrise de l’art du storytelling. Plusieurs auteurs français, mille fois plus érudits que lui, ont écrit sur l’épopée de notre espèce Homo sapiens, mais ils n’ont jamais réussi à jouir de la gloire que Harari a connue. La raison en est que Harari a simplement été un meilleur storyteller… En dehors de cet aspect-là et sur le plan des idées, ce sont d’autres auteurs, cités précédemment ou encore le Tunisien Fethi Meskini, avec son dernier livre, La Liberté de croire au-delà de la secte, qui sont mes « vraies » sources d’inspiration.
Vous écrivez donc, en plus d’interpréter. Comment entretenez vous ce double don ?
Les deux volets sont complémentaires. Je n’ai ressenti aucun frein quand j’ai commencé à écrire des textes de théâtre. J’ai juste ajouté aux ateliers de théâtre des ateliers d’écriture pour avoir une certaine maîtrise de cette nouvelle compétence. J’ai participé à plusieurs ateliers d’écriture aux côtés de professionnels tunisiens et internationaux. J’ai aussi pris part à des master class proposées par El Teatro Studio durant toute ma période de formation. Mais, comme je l’ai déjà expliqué, j’estime que ce sont les livres que vous lisez qui font de vous un bon auteur ou un bon interprète… ou les deux.
Vous avez choisi, dans vos créations théâtrales, des thèmes d’ordre humain et universel. Avez-vous le projet de partager votre travail avec un public plus large en présentant vos pièces dans d’autres langues ?
En 2018, j’ai fait l’expérience de présenter ma pièce Sapiens (écrite et jouée initialement en dialecte tunisien) en langue anglaise, et cela a été apprécié par le public anglophone. J’ai entrepris ce projet, motivé par l’envie de partager mon travail plus largement.
Les recherches, notamment sur les spécificités culturelles, m’ont permis de transformer la pièce et de remplacer un contexte tuniso-tunisien par un référentiel américain. Cela a constitué un travail fastidieux et m’a demandé plus de temps que celui qu’a nécessité l’écriture du texte original en arabe. En matière de théâtre, traduire ne suffit pas. Il y a un travail colossal à faire quand il s’agit, spécifiquement, de comédies, car il n’est pas facile de faire rire des spectateurs d’une culture autre que la nôtre. Je projette de traduire Homo deus pour faire découvrir la pièce à une échelle internationale. Cela prendra beaucoup de temps, mais le public vaut l’effort.