La Tunisie vit au rythme de tensions nocturnes. Protester contre une vie qui devient de plus en plus chère, a tourné aux émeutes. Les manifestations ont favorisé le chaos généré par des casseurs et ont abouti à des pillages et à diverses scènes de sauvagerie.

Le citoyen qui voulait lancer un time’s up n’y est pour rien. Ses propres contestations lui échappent pour profiter à des intrus. Son message de colère a été parasité par des affrontements qu’il n’a pas cherchés. De victime il devient coupable.

Pourtant, on lui avait expliqué, lui, qui fait ses premiers pas en démocratie que la dictature mise à bas, sa voix était plus audible, que ses gouvernants ont changé, qu’une oreille lui est tendue, lui le centre de la démocratie.

Tout a changé depuis, tout sauf ses gouvernants. Certes, les visages ont changé, mais un air de rupture persiste.

Un terrain inflammable:

Obnubilés par leurs partis, les dirigeants ne raisonnent qu’en enjeux électoraux, leurs discours bourrés de promesses ont cessé d’enchanter depuis longtemps, leurs paroles ne peuvent plus duper personne et leur incapacité à gérer des aléas se déroulant, désormais, d’une manière providentielle est sue de tous.

Il suffit de regarder les grands faits de la semaine pour visualiser ce décalage entre les deux composantes majeures de la démocratie: les citoyens et la classe politique. Les premiers crient à qui veut les entendre que l’inflation les a épuisés, que la loi de Finances dernièrement votée a fini par les abattre, eux, leur pouvoir d’achat et leurs rêves de dignité. La deuxième, sans classe aucune, est obnubilée par les affaires partisanes. On lit dans la presse que « de  nombreux ministres ont rallié le parti au pouvoir », Nidaa, parti sans pouvoir qui n’en a pas fini de lutter contre ses propres démons.

L’Etat est à l’épreuve des tisons de discorde. Que les contestations soient orchestrées ou spontanées, la classe politique doit composer avec. Car la gouvernance d’après-révolution a fait de la Tunisie un terrain inflammable, un feu parti spontanément ou d’une manière préméditée risque, en pareil contexte, de prendre. L’autarcie ne profitera qu’aux pyromanes.

Aucun message politique fort n’a été lancé: pas de discours de crise bienveillant pour calmer le mécontentement, pas de discours de crise intransigeant pour dire halte à ceux qui risquent d’amener le pays vers le chaos. Niet! Nous baignons dans le creux. Aux creux de la vague, tous! Gouvernants et gouvernés et de notre rupture, nous ferons notre perte.

La faillite d’un système:

Avons-nous compris la démocratie? Ni les-uns ni les autres ne l’ont fait visiblement. Ni ceux qui ne veulent pas attendre des élections pour agir positivement en faveur d’un changement, ni ceux qui n’ont rien fait pour revoir leur mode de gouvernance.

Dans cette Democracy land exemple, mais loin d’être exemplaire, un monde sépare les principaux protagonistes de la prospérité promise et d’une dignité, à défaut, compromise. L’expérience d’un président qui a la bosse de la politique et la jeunesse d’un chef de gouvernement loin d’y avoir roulé la sienne n’ont pas pu lutter contre la faillite d’un système qui s’est laissé gangréner par les partis et leurs aspirants au pouvoir.

Car peut-être qu’un discours maîtrisé aurait pu calmer, convaincre sans chercher à amadouer, contenir sans écraser. Il suffisait peut-être de communiquer, de gérer le discours de ministres à qui des portefeuilles ont été offerts rien qui pour leurs appartenances partisanes.

Aux mains des néophytes, après une nuit de contestations et de violences, la Tunisie a la gueule de bois. Ses gouvernants sont éméchés par le pouvoir, son peuple est enivré par des effluves démocratiques vaporeusement insaisissables. Y plane comme un relent d’inconnu et un air de révolte.

 

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