Samedi 8 mars, l’événement est internationalement célébré : Fête internationale de la Femme. En Tunisie, cette journée a été fêtée comme il se doit, voire davantage. C’est que, depuis l’avènement de la crise politique, l’installation de la difficulté économique et les dernières mutations sociales qu’elles ont générées, les fêtes se célèbrent, en Tunisie, d’une manière plus euphorique et surtout plus emphatique. Ceci est révélateur certes, mais incontestablement bénéfique. Sur la toile, à coup de photos et de posts en tous genres, on chantait les louanges de la Tunisienne. Dans les rues, quelques événements ont eu lieu pour rendre hommage à son courage et à sa participation active dans le paysage politique et dans la détermination de l’esquisse qui s’en dresse.

A Paris, au même moment, une jeune tunisienne, drapeau à la main, a fêté, à sa manière, cette journée emblématique. Elle s’est mise à nu aux abords du musée du Louvre. C’est ainsi qu’elle entend combattre pour que soient préservés les droits de la femme.

Pour en être une, pour en approcher une multitude au quotidien, des plus émancipées aux plus conservatrices, je peux affirmer que le combat de Amina n’engage qu’elle. Devenue au moyen de son corps, une figure médiatique, Amina pourrait orienter d’un point de vue idéologique et politique l’opinion publique vers des extrêmes qui ne sont évidemment pas les bons. Un tel acte pourrait en effet, conforter certains dans leur penchant vers l’islamisme, puisqu’en rechange, telle est l’image qui nous est offerte du modernisme. Son acte pourrait être exploité par les adeptes des mouvances islamistes pour envenimer le climat social comme l’ont été la diffusion de Persépolis (un film d’animation qui a donné corps à Dieu) ou encore la projection du film de Nadya El Féni, ni Dieu ni maître. Deux événements ayant marqué un revirement majeur dans le cadre des choix électoraux et des débats idéologiques, à la veille des élections ayant érigé les islamistes à la tête du pays.

Pour moi, femme tunisienne, ceci me parle à plus d’un égard. Amina entendait-elle me défendre ? De qui ? De quoi ? Combattait-elle pour moi ? Je ne lui ai pourtant rien demandé ! Son combat prend-il la bonne forme ? Le militantisme a des visages divers, il a désormais des corps aussi !

En se dénudant, Amina ne m’a guère défendue. Elle n’a aucunement combattu pour moi. Son militantisme est une forme d’insulte au militantisme de la femme tunisienne, à son parcours vers l’émancipation, à sa conquête de l’espace public, à ses droits, à son action…

En se dénudant, Amina a offert l’image d’une femme objet. Elle a instrumentalisé son corps au profit d’une cause sommairement définie. Elle a instrumentalisé son identité, amenant la problématique de la femme tunisienne vers des optiques en inadéquation avec la réalité.

Pourtant avec Amina, j’ai plusieurs points en commun : je suis une femme. Je suis une Tunisienne. Je suis jeune (ou je veux bien le croire). J’ai connu comme Amina ce départ de Tunis vers Paris. Mais je connais aussi le retour de Paris vers Tunis. Et je crois que toute la différence entre Amina et moi est là.

De retour en Tunisie après douze ans en France. Après un bout de carrière dans l’édition, quelques contrats d’auteur, un DEA, un brouillon de thèse, deux enfants et le projet d’un livre, me revoilà en Tunisie. Les islamistes ne me font pas peur. Leur pensée je me dois de la respecter au nom de la tolérance, tant qu’elle ne mènera pas à la ruine mon pays. Le radicalisme, j’en vois les sévices sur écran. J’en fais des brèves et des chroniques et on applaudit mon courage. La violence, je ne l’ai jamais croisée sauf sur les réseaux où, derrière des pseudonymes, on me dit souvent que mon journal dérange, que mes articles dérangent, que je dérange. Et pourtant, je m’épanouis dans ce pays. Je m’épanouis parce que je produis une pensée et qu’avec ma pensée j’affronte l’obscurantisme qui nous guette.

Au profit de mon pays, j’ai mis ma présence et ma pensée. Au profit de la Tunisie, Amina a choisi de mettre son corps et son absence. Le combat d’Amina est peut-être louable pour la bonne volonté qui l’anime. Cependant, en matière de cause et de manière, il demeure discutable. Mon corps m’appartient, scande-t-elle souvent. Le mien aussi, qu’elle se rassure.

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