Il y a une semaine en Géorgie, des pluies torrentielles ont libéré les animaux du zoo de la capitale. Fauves, hippopotames, crocodile, ours et autres animaux plus ou moins dangereux rôdaient au milieu des habitations. La population a été appelée à la vigilance et les bêtes ont été mises en cages ou exterminées. Il fallait limiter les dégâts et protéger les habitants. Il y a 24 heures en Tunisie, des extrémistes religieux ont sévi à Sidi Bouzid puis à Ghardimaou. Des courses-poursuites ont eu lieu et la population a tenté d’attraper un des sauvages descendus des montagnes voisines.

Entre le triste et insolite fait-divers de Géorgie et l’acte terroriste sanglant de Tunisie, il y a une sacrée différence : l’Etat a réussi à répertorier les animaux. Entre le fait-divers de Géorgie et l’acte terroriste de Tunisie, il y a une sacrée ressemblance : le zoo à ciel ouvert.

En trois ans, le terrorisme a étendu ses tentacules en Tunisie. La bête immonde couvée en temps de dictature s’est épanouie, en ces temps de laxisme démocratiquement justifié. Le pays n’en pourra, d’ici peu, plus survivre à cette infestation qui se répercute, de facto, sur l’état de ses secteurs vitaux et qui menace sa stabilité. Et pourtant on a laissé faire ! Pas la peine de chercher à qui profite le crime. Il faudra, pour trouver la réponse, aller chercher bien loin, dans un contexte régional et international à son tour contaminé.

Et en Tunisie, nous ne savons plus où donner de la tête, tant les événements se succèdent, à une vitesse surréaliste. Trois attaques en une journée dans différentes villes tunisiennes, des membres des forces sécuritaires ont encore payé de leurs vies l’amateurisme politique ayant gouverné en période de transition. C’est que la Tunisie paye, en ces moments difficiles, l’idéalisme d’après-révolution. Un idéalisme qui a propulsé, dans les sphères du pouvoir, ceux qui ne pratiquaient que l’opposition dans la clandestinité. Et entre ces deux mondes, un gap énorme. Un gap dont les résultats sont, aujourd’hui, perceptibles à l’œil nu et de très loin. Le terrorisme est un état d’esprit, c’est celui qui fait notre nonchalance face à l’horreur et produit notre défaitisme niaiseux face à ce qui n’est plus qu’une menace. Le terrorisme est un état d’esprit, un « état d’esprit politique » peut le vaincre ou le faire fluctuer. Faute d’esprit, et faute d’une politique adéquate, des apprentis gouvernants ont ouvert les cages et ont, au nom de leur vision de la démocratie, laissé la bête s’échapper. Le loup est dans la bergerie !

Incontrôlable ! La situation l’est aujourd’hui et, à moins d’un miracle ou d’une réelle volonté politique doublée d’un sacré savoir-faire, la Tunisie continuera à sombrer. Car de ces espèces animales rôdant parmi nous, il en est une autre moins agressive et pourtant aussi menaçante : les bêtes politiques (pas de second degré, évidemment). Le laisser-aller gangrène ce pays qui semble sombrer, sans résistance, dans une léthargie totale : saleté ambiante, infrastructure vieillissante, acquis mal entretenus, administrations défaillantes et gouvernants défaillants. C’est dur à encaisser, mais il est temps d’arrêter de faire comme celui qui accusait toujours les miroirs d’être faux.

Tout ce cirque à ciel ouvert a engendré, ce matin même, la mort d’une vingtaine de personnes dans un accident de train. C’est la faute au camion qui lui a entravé la route. Non c’est la faute de ceux qui n’ont pas pensé à installer les signalisations nécessaires pour éviter ce type d’accidents. Des passages à niveau inexistants, des feux de croisement hors-service au niveau des voies de métro, des fils électriques pendants, des trous béants à même la chaussée. C’est perçu comme étant des détails pour des dirigeants cloîtrés dans leurs bureaux bien au frais. « Nous faisons cas du beau, nous méprisons l’utile », n’est-ce pas là le comble de la laideur. Ce sont ces détails qui ont endeuillé une vingtaine de familles, en cette triste mi-juin.

Par où commencer, bon sang, pour achever les bêtes qui rôdent dans ce beau pays ? La tâche est tellement rude qu’on aurait presqu’envie de leur offrir à tous, classe politique comprise, des séances de psychanalyse. Ça serait à coup sûr le seul moyen de soigner les narcissiques refoulés, de guérir les sauvages qui s’ignorent, d’offrir un brin de lucidité aux moins éclairés , d’exorciser les fous de Dieu et de calmer l’ambition dévorante des arrivistes qui ne pensent qu’à arriver, justement. Au divan tous et qu’on en finisse de trainer ces boulets !

La Tunisie est devenue de la matière profuse, pour les journaux télévisés internationaux. On en parle, partout. Après la Géorgie ou avant, ce n’est pas important. La Tunisie, ce pays qui regorge de terroristes actifs et potentiels, selon une étude du Monde, a cessé d’être, depuis longtemps déjà, l’exemplaire pays révolutionnaire. Elle est devenue le contre-exemple. Celui par lequel on pourrait apprendre que la démocratie dépourvue de rigueur peut mener un pays à sa perte et faire de ses habitants des proies faciles pour des bêtes en tous genres.

Les infos récentes font état d’une situation de plus en plus maîtrisée en Géorgie. En cage les animaux ! En Tunisie, le danger court encore ! Honte à cette classe politique ! Même Jean de La Fontaine aurait du mal à vous classifier ! « La nature de l’homme veut qu’il soit un animal social et politique, vivant en collectivité », écrivait Saint-Thomas d’Aquin. Nous vivons, désormais, en ces temps où se pavanent animaux asociaux et médiocres politiques. Paix aux âmes de ceux qui en paient les frais.

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