Je me suis endormie hier au rythme des notifications de mes amis médecins dénigrant, sur leurs pages, des radios de la place. La guerre est annoncée et elle prend des proportions corporatistes. Sommes-nous, nous journalistes, en guerre contre les médecins? Il semblerait que oui.

C’est ce que laissent, du moins, augurer les messages d’indignation, les menaces de réaction et l’annonce d’une grève décrétée par nos blouses blanches pour la date du 8 février.

Soutenir ma corporation ou celle des autres? Est-ce une manière adéquate de se positionner par rapport au conflit du moment? Ma réponse je l’ai eue ce matin en sortant de chez moi. J’entamais ma journée de journaliste et, elle, finissait sa nuit de permanence.

Elle avait sa blouse blanche et son stetho. Elle portait les cernes d’une fatigue nocturne et avait l’air hagard des internes au lendemain d’une nuit de garde. Elle a dû sauver des vies, soigner des malades. Elle a dû être patiente envers des patients souvent impatients.

Elle a dû pâtir encore une fois du manque de moyens et de la violence qui sévit dans nos hôpitaux. Elle a dû constater encore une fois la pénibilité de ce métier qu’elle a choisi, un métier noble et dur à exercer, doublement pour ceux qui y débutent.

Les périples d’une interne mise en garde à vue après des articles évoquant la mise dans la morgue d’un bébé encore vivant (et sorti vivant également), ont rappelé le grand impact de nos deux métiers. Eux impactant sur la vie humaine de ceux plaçant, entre leurs mains, leur santé et nous, impactant sur l’opinion publique au moyen d’articles de presse en lesquels des lecteurs ont foi.

Qui a failli dans l’affaire? Probablement ceux qui défendent bec et ongles sans se dire que l’erreur est possible de l’un et de l’autre côté. Ceux qui ont fait de deux faits divers (cette affaire et celle d’un médecin en garde à vue à Gabès) une guerre de corporatisme. Ceux qui diabolisent et ceux qui dénigrent. L’erreur est partagée, elle est humaine et ne peut faire l’objet de généralisations arbitraires.

En erreur donc les médias qui n’ont pas vérifié le fond de l’affaire, qui se sont suffi de la déclaration du père endeuillé et qui ont occulté le fait qu’il s’agisse de prématurité sévère et que des heures après sa sortie de la morgue un nourrisson (même à la santé normale) ne pouvait être encore en vie.

En erreur également, ceux qui essayent de défendre la confrérie aux moyens de campagnes organisées sur les réseaux sociaux au lieu d’éclairer l’opinion publique.
En erreur, aussi l’opinion publique qui fait la loi alors qu’elle fait dans l’injustice et l’impartialité.
En erreur le système qui se base dessus pour réprimer.

En erreur la répression au nom de la loi tant que le coupable n’est pas désigné comme tel.
Car au delà des métiers de chacune des parties afférentes à cette affaire, réside un constat affolant: celui que tout citoyen peut se retrouver en prison, en étant juste suspect.

Résultat de l’affaire, deux médecins ont passé leur weekend en prison comme de vulgaires criminels, comme s’ils allaient se défiler de la justice, comme s’ils allaient esquiver à la loi ou quitter le pays.
C’est cela les gardes à vue, et elles sont encore plus injustes en temps d’état d’urgence.

Ces abus tolérés au nom de la loi ont affecté cette fois-ci un corps de métier qui se veut solidaire pour le meilleur et pour le pire. Ils affectent régulièrement des citoyens sans soutien.
Et si bataille, il y a, ce n’est incontestablement pas les-uns contre les autres mais ensemble contre un système que nous tous subissons.

Il ne s’agit donc pas de la médecine contre le journalisme, ni des médecins contre l’opinion publique, mais de deux médecins et de certains journaux, de deux citoyens en somme et d’un abus réglementé.

Autrement, de part et d’autre, il serait intéressant que l’on cesse de travailler dans des environnements hostiles, au nom de la noblesse des missions incombant à chacun de nos métiers et de l’utilité publique qui, sauf Exception, s’en dégage.

 

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