Chers gouvernants, vous qui guettez la moindre de nos failles, qui veillez à nos mœurs de bons musulmans respectant le texte saint, pour vous a été lancée hier une pétition pour que soient interdits les quads à la plage. La chose a l’air bien simple. Et pourtant, c’est à nous d’attirer votre attention pour que vous nous protégiez et préserviez notre sécurité de l’incivisme des nôtres. Et l’incivisme a frappé samedi dernier.

L’affaire a secoué la Tunisie. « Fait divers » a titré un des médias électroniques de la place. Et quel fait divers! Hager Chaker, dentiste, mère de deux enfants, jeune tunisienne de 35 ans a été écrasée par un quad sur une plage de Nabeul.

Ses enfants ont été épargnés car au bord de l’eau au moment des faits et son mari est encore hospitalisé. Cette catastrophe qui n’a pas seulement touché une famille mais a secoué tout un pays est l’œuvre d’un jeune de 20 ans dont l’inconscience a été mortelle pour autrui. Sacré constat ! Oui c’est pire que le terrorisme, la goujaterie!

Et nous la voyons régulièrement sévir, elle fait le buzz sur les réseaux sociaux, elle monopolise l’attention générale et se laisse oublier, petit à petit, jusqu’à ce que l’intérêt s’estompe.

Voilà cinq ans environ que nous nous sommes découverts tant de travers, nous le peuple qui se croyait discipliné de nature. Fiers d’avoir vu des compatriotes faire la queue spontanément à l’aune de la période d’après-révolution, nous nous voyions comme un peuple exceptionnel. Mais qui sommes-nous sans l’autorité des hommes et des lois? Que sommes-nous sans la crainte et dans l’impunité?

C’est l’anarchisme qui prime et nous avons presque envie de lancer une campagne de sensibilisation, un peu comme on en faisait pour le peuple, mais cette fois-ci pour vous, nos gouvernants, pour que vous sachiez que votre laxisme nous met en danger.

Oui, nos décideurs ne peuvent pas tout faire. Oui, tout n’est pas de leur faute. Mais l’absence de réglementations spécifiques, le laisser-aller tuent désormais. Nous avons besoin de rigueur dans la gestion du quotidien. Rigueur en l’absence de laquelle, la loi de la jungle prime. Car faute de civisme « inné », il nous faut des lois, des amendes, des résolutions, des décisions et des actes. Il nous faut de la rigueur pour discipliner et pour éduquer à la « sociabilité civique ».

Peut-être cela rebutera-t-il enfin les chauffards qui n’ont plus aucun scrupule à commettre leurs infractions au vu des policiers. Peut-être cela fera réfléchir les conducteurs des véhicules de transport en commun, sortes de grands taxis qui sévissent, en faucheuses à grande vitesse, sur nos routes. Peut-être que cela permettra de revoir les passages à niveau qui ont fait et font encore des morts dans des accidents (trains/ voitures) des plus dangereux, pour cause de défaillance au niveau des installations.

Peut-être cela sauvera-t-il les motards qu’on arrêtait jadis en masse pour le non port de casques de sécurité et qu’on laisse mourir désormais en l’absence de conscience individuelle du danger.

Peut-être que cela attirera l’attention sur les chiens dangereux qui se vendent sur les réseaux sociaux librement. Peut-être que cela nous épargnera les chiens errants qui vivent parmi nous, qu’on a commencé à abattre et qu’on laisse désormais libres, faute d’un moyen de lutte échappant à la vindicte des défenseurs des animaux.

Peut-être que l’on comprendra que les rues où l’on a coupé l’éclairage public (et ce même dans les villes dites touristiques et dans les quartiers modernes de la capitale) sont un danger pour nous. Car l’absence d’éclairage (payé pourtant sous forme de taxe ) étant propice aux vols et aux incidents et accidents peut s’avérer périlleuse…

Et la liste est longue. Longue de détails certes, mais de détails ayant trait à votre rôle principal, vous, nos gouvernants. Une liste qui en dit long sur le quotidien de citoyens dont l’Etat ne se soucie plus du quotidien.

Proies de l’anarchie qui règne, victimes de l’incivisme de certains, nous sommes les sacrifiés de la démocratie, celle qui a peur d’offusquer et qui laisse faire.

Parce que nous avons peur de voir se généraliser la loi de la jungle, nous avons besoin de voir régner la loi, de recréer un cadre disciplinaire propice à une vie commune en toute sécurité et de rééduquer à la vie en société ceux à qui, en l’absence de crainte, les règles de base échappent.

Fortes pensées à Jamil Chaker, père de la défunte Hager, éminent universitaire, qui m’a enseigné la littérature et continue encore à m’en insuffler la passion.

 

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