« La planète, aujourd’hui, fait la révolution tous les jours, sur tous les sujets et tous les fronts. Bientôt, notre pays fera de même, ou il disparaîtra. », écrivait Jacques Attali cette semaine. L’éminent économiste français tire la sonnette d’alarme et tire, par la même, à boulets rouges sur une classe politique dont les discours sont en décalage avec les enjeux réels. En Tunisie, la révolution est bien derrière, la politique plutôt stable, la transition en cours de finalisation et pourtant la menace est encore persistante. Le pays attire moins les investisseurs. Il les ferait même fuir. Pas étrange ! La régression se constate à l’œil nu. Les efforts citoyens n’y peuvent plus rien. Il faut une réelle volonté pour pouvoir tirer le pays de sa torpeur.

Lundi 24 août, le monde financier a vacillé, partout dans le monde, au rythme des bourses asiatiques et celle chinoise en particulier. La débâcle de la Bourse de Shanghaï s’est, vertigineusement, reflétée sur plusieurs places internationales entrainant, à son rythme, une économie mondiale bien fragile. Une perte de 8,5 % en clôture du côté de l’Asie et c’est l’Europe entière qui tremble. Les travers de la mondialisation sont effrayants. Ils seront déterminants dans l’esquisse d’un monde nouveau. La force de chaque pays se déterminera selon sa force de résistance aux secousses internationales et aux répliques pouvant en résulter.
L’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne, tous ces pays que l’on perçoit du haut de l’Afrique comme les potentiels sauveurs ne sont que des mastodontes de paille. Aussi fragiles que nous ! Oui, vraisemblablement. Nos bouées de sauvetage seraient les futurs naufragés. Probablement ! On pointe, de l’autre côté de la Méditerranée, une incohérence politique ne pouvant répondre, d’une manière efficiente, à une crise se mesurant à l’échelle mondiale. On crie gare face à des solutions d’apparat à des problèmes bien plus profonds.

Il en est de même dans ce petit pays qui essaie de renaître de ses cendres. La Tunisie d’après-l’ immolation se reconstruit difficilement. Séquelles d’une Troïka ayant mal géré le pays à la suite du départ de Ben Ali. Réponse uniquement politicienne à des problèmes qui ne font qu’enfler. Inconscience de la majorité quant à l’effort de chacun dans une survie positive du pays. Tout est en cause, à voir comment le fleuron des révolutions se porte, depuis ces dernières années.
Les pays amis, les voisins de l’autre rive, leurs promesses, leurs discours d’éloges ne pourront rien pour les pays qui, à eux, s’accrochent. Du côté de l’Europe, le souci premier est de combattre la migration. Sur les sept premiers mois de l’année, ils sont 340.000 personnes à avoir traversé les frontières de l’Union Européenne, selon l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex). Ce flux humain que les différents plans mis en place peinent à maîtriser devient la bête noire en Allemagne, en France, en Italie. Ces pays, craignant à leur tour de sombrer, ne peuvent incontestablement plus accueillir les naufragés d’un système mondial qui ne se réorganisera, visiblement, qu’après un chaos général.

Dans ce combat quotidien, chaque pays aura à faire en sorte que sa survie soit positive. Qu’il ne vive pas son réveil sur un mode négatif dépend de sa capacité à trouver un équilibre minimum, en son propre sein. Une politique optimiste sans l’être faussement, pragmatique sans être alarmiste, efficace par l’action, puissante par les réalisations. L’heure n’est plus aux promesses ne pouvant être tenues, aux paroles ne pouvant être réalisées, aux propositions ne servant qu’à casser l’adversaire politique. L’heure n’est plus aux combats virtuels de héros 2.0.
Les politiciens doivent se muer en leaders pour devenir la locomotive du pays. Leur conscience des problématiques internationales et celles locales, leur gestion du pays et leur manière d’appréhender le peuple seront déterminantes, dans l’avenir proche. Tant que la politique ne cherchera qu’à amadouer le citoyen au lieu de le secouer et que le citoyen ne cherchera qu’à contester la politique et à contrecarrer son autorité, le pays ne fera que survivre en allant vers la déchéance au lieu d’émerger.

Dans les pays ayant pensé avoir dégagé les dictateurs, des usurpateurs ont pris place. Le dernier massacre de Palmyre en atteste. Afin de combattre une déchéance pouvant, à la place de la reconstruction, succéder à la déconstruction, toutes les forces doivent être rassemblées. Union nationale, le terme devrait cesser d’être un simple slogan qui plait ou offusque, selon la partie. Il ne devrait, de ce fait, y avoir plusieurs parties mais une. Les islamistes l’avaient compris au lendemain des élections de 2011 : pour réussir, il faut avoir un allié d’un camp autre que le sien. Les démocrates l’ont compris au lendemain des élections de 2015 : pour réussir il faut travailler avec son ennemi de la veille. Les deux camps désormais ralliés semblent l’avoir compris : pour s’en sortir il faut que le pays cesse d’être fragmenté. Dans ce sens, la Tunisie est en train d’aller vers une réconciliation se voulant une réponse pragmatique à des litiges auxquels la justice n’a pas su répondre. Ceux ayant collaboré avec le régime de Ben Ali et ayant été blanchis seront réintégrés dans la société et leur argent réintégrera le circuit économique.

Une rentrée pleine de remous en vue. Mais dans la relativité de ce qui se passe autour de nous et même bien plus loin, il est aisé de constater que notre survie tient à notre union et à note conscience collective – politiciens comme citoyens – que l’heure n’est plus à la division et que l’instinct de survie doit nous motiver avant tout. Le monde se reconstruit, selon d’autres critères de force que ceux d’après les guerres mondiales. Les pays émergents de la veille pourraient immerger demain. Les sauveurs d’hier pourraient être les naufragés de l’avenir. Nous ne pourrons nous accrocher qu’à nous-mêmes pour nous reconstruire.

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