Le concept des centres SOS accueillant des enfants en difficulté ou abandonnés est né en Autriche en 1949. C’est le médecin Hermann Gmeiner qui a créé le premier village à la 2ème guerre mondiale pour venir en aide aux enfants devenus orphelins. Son idée consistait en un accueil dans des maisons reproduisant le schéma familial où les enfants étaient dans un foyer les réunissant comme des frères et soeurs autour d’une mère SOS.

SOS Tunisie, la structure:

SOS existe en Tunisie depuis 1981, date du lancement du village de Gammarth. Depuis, trois autres villages ont vu le jour avec l’idée d’une implantation régionale couvrant les différentes régions de la Tunisie. A Akkouda, au Mahres et à Siliana, des équipes accueillent des enfants en difficulté sous l’égide d’une structure composée d’un comité directeur, d’une présidente nationale élue, d’une directrice nationale et de directeurs de villages.

Responsables des collectes de fonds, de la gestion du parc technologique, psychologues, éducateurs, chargés du renforcement familial, chargés de l’insertion des jeunes, secrétaires de village, directeurs et mamans: Une équipe composée d’une centaine de personnes travaille au quotidien au sein des 4 villages tunisiens pour assurer le quotidien d’enfants mis à mal par un système parental qui a dysfonctionné pour des raisons diverses.

Au sein des villages SOS, la protection est une priorité, expliquent les responsables.

« Toute personne qui entre en contact avec les enfants doit être un exemple en termes de comportement et de discipline », explique la responsable.

Manuels, guides, codes de conduite, standards de qualité sont mis en place et sont le gage de notre vigilance relative à la culture de « bientraitance », expliquent les responsables au HuffPost Tunisie.

Accueil enfants:

Ils sont 65 enfants à Gammarth, 105 à Akkouda, 40 à Siliana et 74 à Mahres à vivre dans ces maisons SOS. Un des standards de SOS c’est que « ne sont admis que des enfants sans soutien ou en situation de menace ou de négligence », explique au HuffPost Tunisie Olfa Rakrouki, responsable des programmes et conseillère nationale « Accueil familial ». Cette psychologue clinicienne de formation qui a commencé sa carrière comme psychologue du village de Gammarth explique que 70 % de la population SOS sont nés hors mariage.

Les enfants arrivent ici avec des critères et les dossiers sont envoyés par l’INPE (généralement parce que l’idée de l’adoption est exclue), par les délégués de protection de l’enfance, par les 13 associations privées pour les bébés sans soutien dites pouponnières ( et qui transfèrent les enfants non adoptés au delà de 2 ans vers SOS), par les services sociaux des régions, suite à une décision du juge de la famille.

« La particularité de nos villages c’est que ce sont les seuls organismes qui accueillent les enfants de la naissance à l’âge avancé », explique Olfa Rakrouki qui précise toutefois que seuls les enfants en bonne santé sont admis. Une exclusion qui se justifie selon elle par la « difficulté que peut avoir la mère de gérer les autres enfants qu’elle a en charge quand l’un d’eux présente une maladie nécessitant plus de présence ou plus d’attention ».

Quant à l’admission, elle est précédée par une préparation permettant de rapprocher l’enfant de la structure (préparation de l’enfant mais aussi de la famille du village, la mère et la fratrie) et de visites sociale et médicale permettant de juger si l’enfant est mieux au sein de SOS ou dans une autre structure. « C’est toujours mieux de vérifier pour laisser la place pour les plus démunis, explique Olfa.
Est ensuite mise en place une organisation quotidienne permettant de surveiller le développement de l’enfant et du jeune. Des fiches à remplir par la mère du village pour chaque enfant, des réunions une fois par an avec l’équipe permettent de cerner les problèmes de chaque enfant et de tracer des objectifs, explique Amira Zouaoui, responsable communication.

Le système de parrainage permet de prendre en charge un enfant en particulier. Toutefois, SOS évite le contact direct entre l’enfant et son parrain ou sa marraine. « Nous autorisons quatre visites par an. Il fut un temps où les parrains étaient autorisés à faire sortir leurs filleuls en promenade. Nous avons arrêté cela car nous avons eu des cas de parrains qui disparaissaient du jour au lendemain suscitant la désolation et l’incompréhension d’enfants vivant cela comme un deuxième rejet », explique l’ancienne psychologue du village.

La famille SOS au quotidien

Chaque mère a en charge 7 enfants environ. Chacune reçoit un budget par semaine qui s’élève à 2 dinars par enfant par jour. Celle-ci tient un carnet d’achats vérifié périodiquement par l’association qui, elle, gère un budget global débloqué par tranches. A cela, viennent s’ajouter des budgets de sorties familiales organisées par la mère par le biais de l’argent de poche des enfants et parfois des vacances d’été (2 ou 3 familles peuvent louer une maison pour la saison, départs en colonies de vacances…).

Par ailleurs, les structure SOS permettant de maintenir le lien avec les familles biologiques, certains enfants partent pendant les vacances scolaires retrouver les leurs. « Nous avons remarqué que les enfants qui passent de longues périodes dans leurs familles revenaient avec une difficulté de réinsertion et d’apprentissage ensuite. Pour l’été, nous avons choisi que ceux-ci passent un mois au maximum dans leurs familles. Nous sommes conscients de l’importance de nouer le contact avec leurs proches, mais nous voulons éviter qu’ils aient des séquelles à leurs retours », explique la responsable des programmes.

Le règlement intérieur stipule aussi que les parents viennent à des horaires administratifs. En revanche, la responsable nuance: « Ce n’est pas régulier et nous nous adaptons car il y a des mères SDF ou avec un travail particulier pour qui ces restrictions ne sont pas applicables. Toutefois, et dans une démarche appliquée au sein du réseau mondial de SOS, l’association laisse de plus en plus la place pour des liens avec la famille biologique afin de favoriser la réintégration.

« Nous essayons de maintenir certains enfants dans leur environnement familial en amenant des aides aux familles dans le besoin », indique la responsable pour présenter le programme dit de renforcement familial.

Dès l’âge de 15 ans, les jeunes sortent de la cellule familiale SOS pour partir vers un foyer de jeunes puis vers des maisons encadrées (de 18 à 23 ans). Des passages qui ne sont pas sans difficultés. « Certains vivent mal le fait d’être hors programmes. Ils se sentent rejetés. Mais au delà de l’obligation professionnelle nous avons un engagement humain. Nous ne pouvons pas rester insensibles face à ceux qui nous rappellent qu’ils sont nos fils et nos filles », indique la responsable.

Au delà de cet âge, la plupart des jeunes partent en dehors de la structure. Même s’il est déconseillé de travailler pour l’association une fois un diplôme en poche et ce afin de favoriser l’autonomie et l’ouverture au monde, le lien reste souvent permanent entre les anciens pensionnaires et l’institution.

 » Ils viennent, aident, deviennent parrains, nous permettent de recueillir du feedback pour améliorer des relations que l’on découvre après coup émaillées d’une certaine rancoeur », explique-t-on.

« Nous essayons de faire en sorte que l’histoire de chaque enfant soit bien construite dans la continuité. Comme les pièces d’un puzzle nous les préservons, chacun disposant d’un album photo retraçant son passage au sein du village », explique la responsable mentionnant que par attachement à leurs enfants du village, elle a vu des mères partir à la retraite en emmenant les albums des enfants dont elle a eu la charge. Une anecdote qui en dit long sur une filiation très particulière.

Profession: Mère SOS

L’association en est à sa 9ème session de recrutement de mamans. La dernière ayant eu lieu en 2016. Depuis 1999, une centaine de mères et tantes ont été choisies et formées.

C’est un métier comme un autre; on y accède après des stages successifs: un stage probatoire de 3 mois après entretien de présélection et une série d’ évaluations. « Il y en a qui n’aiment pas après coup ou semblent avoir des problèmes après la sélection », précise la conseillère nationale.

A celle qu’on propose un contrat en CDD et un Smic, on propose également une formation académique, un stage technique dans les pouponnières, des formations en informatique, en cuisine, en secourisme… 11 modules en tout pour que le contact mère-enfant soit fluide.

« SOS a donné de nouvelles directives dès les années 2000: nous nous orientons vers le recrutement de femmes ayant entre 30 et 45 ans, nous faisons plus attention à leur niveau scolaire (niveau plus élevé bac ou 5ème du secondaire et 2 ans de formation) », explique la directrice. Celle-ci précise par ailleurs qu’il est possible d’accepter des mères SOS mariées. « C’est une manière de remédier au manque de motivation que de laisser la mère vivre sa vie. Nous essayons également de créer une ambiance récréative au sein des villages, d’éviter aux mamans le sentiment de routine », précise-t-elle.

« Nous avons des mères qui arrivent avec des enfants après un divorce, nous les maintenons avec leurs propres enfants », poursuit-elle.

Et d’ajouter: « Des générations de mamans sont passées par là. Il y en a qui ont fait 30 ans de carrière. Elles ont éduqué des jeunes devenus hauts cadres des fois. Même si la population SOS est en effet à l’image des familles tunisiennes avec des échecs et des réussites. Ces mères ont consacré leur jeunesse à nos enfants ».

Une reconnaissance morale que les membres de l’équipe souhaitent acter autrement: « Il est nécessaire de mettre en place une reconnaissance de la profession de mère SOS. Nous avons comme date butoir décembre 2018 pour le faire en Tunisie. Le Maroc a obtenu l’appellation « Aide familiale » et ce depuis 2007, en Palestine « Mère alternative », en Egypte « Assistante ». En Tunisie, un dossier a été monté depuis 2009 et pourtant on ne nous a proposé qu’une appellation que nous avons refusée qui est « animatrice de jardin d’enfants, une appellation qui ne colle pas au métier », indique Olfa Rakrouki.

Une négociation serait en cours dans ce sens. Son objectif étant de valoriser un métier noble et difficile afin de garantir le droit des mères et de réussir à en attirer pour combler un certain turn over généré notamment par le mariage de certaines mamans SOS.
« A 3 reprises des mères SOS ont été décorées par le ministère de la Femme, c’est une forme de reconnaissance », conclut la responsable.

Un challenge attend SOS:

L’antenne tunisienne de SOS reçoit près de 65% de son budget du réseau international auquel elle appartient. Ce sont les villages « les plus riches » qui aident les moins favorisés. Toutefois, un dernier audit a inscrit les villages tunisiens sur la liste de ceux pouvant avoir une autonomie financière.

« SOS se retrouve orphelin lui-même, par rapport au réseau international « , lance une des responsables tunisiennes.
D’ici 2020, l’aide se fera dégressive avant de s’arrêter définitivement. Cette décision est vécue comme un véritable défi par les membres de l’équipe SOS Tunisie. Entre démarches pour chercher les donateurs particuliers, le système de parrainage, la recherche des fonds, l’association s’organise pour assurer sa survie et la pérennité de la structure. « Les bailleurs de fonds préfèrent financer des projets à résultats immédiats. Offrir de quoi nourrir les enfants n’intéresse pas toujours, mais nous devons trouver de quoi assurer le quotidien basique des enfants », explique la directrice nationale.

Parrainages grand public et entreprises, dons en nature ou en espèces permettent d’assurer la phase d’autonomisation des villages SOS tunisiens aidés par l’association mère dans cette phase de stabilisation vers la suffisance financière. Digitalisation: dons en ligne, emailing, partenariats entreprises, sont menés pour qu’à terme, les équipes tunisiennes puissent compter sur leurs propres moyens.

« Nous ne pourrons pas progresser tant que nous n’avons pas stabilisé nos finances: nous devons nous limiter jusqu’en 2020 et réduire l’accueil de nouveaux enfants. Ici, nous ressentons l’impact de l’inflation et malgré des prix en hausse, nous essayons de contrecarrer les moyens restreints pour que cela n’impacte pas le quotidien des enfants », explique la directrice de SOS.

Et d’ajouter que comme dans de nombreuses familles tunisiennes l’employabilité des jeunes est un des plus grands problèmes . « Cela pénalise la prise en charge d’autres enfants », indique-t-elle.

SOS accueille des enfants dès un jeune âge et jusqu’à la stabilité financière. « La stratégie 2030 vise le développent et l’employabilité des jeunes. « La vie au village n’est qu’une 1ère étape », conclut la directrice nationale.

 

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