Lorsque l’affaire du viol d’une jeune fille par des policiers s’est ébruitée, suite aux faits ayant eu lieu dans la nuit du 3 au 4 septembre 2012, l’indignation générale était de mise. Evidemment, tout ce qui a trait au viol demeure quelque peu tabou dans notre société, mais, compte tenu de l’appartenance des violeurs à un corps de métier de nature très spécifique, l’affaire a dépassé « les basses voies » pour devenir une affaire d’ordre public. Un acte criminel aurait donc été commis sur une citoyenne par ceux qui devraient être les garants de la sécurité des citoyens.

Cela intervient mal, à une période où l’on tente de dépasser le mal-être caractérisant la relation avec les forces de l’ordre, une relation teintée de crainte et de ressentiment vis-à-vis de ceux qui étaient le bras musclé de l’oppresseur, sa main forte et sa cravache. La réconciliation avec le peuple a été consommée, aussitôt enterrés les morts que la révolution a faits, aussitôt le calme revenu et aussitôt immergé un nouvel ennemi commun, aussi fort et aussi zélé en besogne, mais d’un zèle d’une nature bien particulière.

Evitons de généraliser ! Les agents des forces de l’ordre ne sont pas tous à juger de la même manière. Aux oubliettes les agents corrompus, les agents harceleurs, les agents collaborant avec des voleurs, les agents violeurs…

Le procès de Mariem a duré près de deux ans et le dossier des deux policiers qui l’ont violée a été clos hier 31 mars 2014. Le verdict est tombé : 7 ans de prison pour les policiers violeurs. Une peine qui en dit long et qui n’est pas sans rappeler un verdict similaire, tombé il y a de cela un peu plus d’un an et resté dans les annales des injustices avérées. 7 ans de prison ! Tel était le verdict ciblant Jabeur Mejri, jeune cheminot, ayant partagé sur Facebook et dans sa page, dont l’audience ne dépassait pas les 50 personnes, une photo faisant fi du sacré.

Quoiqu’amnistié, puis libéré depuis, il s’agit, pour beaucoup, de 7 ans de trop. 7 ans de trop peu, selon beaucoup, pour ces violeurs qui ont aussi touché au sacré ! Un sacré en relation avec le rapport de confiance entre citoyen et garants de l’ordre. Un sacré en relation avec la nature d’un métier dont l’uniforme et les insignes résument à eux seuls la relation avec la patrie et la noblesse du service qu’on est censé lui rendre. Un sacré en relation avec l’honneur que notre société place souvent bien bas, aussitôt terni. Mais surtout un sacré en relation avec l’intégrité physique de tout un chacun et avec toute atteinte la profanant.

« Je pense que ce verdict ne tire pas la conséquence du crime qu’il prétend réprimer. Depuis le départ, Meriem à été accusée d’avoir permis ce crime, en ne répondant pas à cette contrainte par la violence », nous révèle l’avocat Martin Pradel qui a défendu Mariem aux côtés de Radhia Nasraoui. « Cette circonstance a été débattue à l’audience. La Cour reconnaît le viol, mais condamne les policiers à des peines qui correspondent à cette circonstance, qui aurait donc atténué, semble-t-il, leur culpabilité », précise Maître Pradel.

Qualifié de clément par certains, le verdict est jugé trop sévère par l’avocat des accusés Fathi Laâyouni. Celui-ci a annoncé en effet sa décision de faire appel car, selon lui, les juges n’étaient pas neutres. Maître Laâyouni a, pendant l’audience d’hier, basé son réquisitoire sur des avances que la coupable aurait faites et sur son activité sexuelle qu’il a qualifiée «d’intense ». Hormis le fait de mettre ainsi en doute un rapport médical attestant visiblement du contraire, Me Laâyouni a, dans de tels propos, minimisé un acte criminel des plus odieux. Sur la base d’un tel argumentaire, il tend à le banaliser et à rendre quelque peu coupable celle qui l’a subi.

Le statut de victime, voilà ce qu’attend, en partie, celui qui se sent sali par une injustice. Ce statut a été accordé à Mariem hier, quoique le jugement ait été qualifié par certains comme non conforme à l’article 227, condamnant à la peine de mort celui qui viole en usant de violence ou de menace.
« Coupable d’avoir été violée », c’est ainsi que s’intitule le livre écrit par Meriem Ben Mahmoud et reprenant son histoire. Coupable d’avoir été violée, elle ne l’est plus juridiquement ou presque. Elle le restera cependant aux yeux d’une société qui incombe souvent aux femmes le mal qui leur arrive.

Mariem s’est installée, depuis quelques mois, en France, tout comme son fiancé. Elle trouvera du réconfort, si ce n’est plus, dans une société française solidaire qui lui accordera ses grâces (édition de livre, titre de séjour et présence médiatique), en attendant que soit récupéré un autre dossier chaud d’une société se débattant contre ses syndromes destructeurs. « Un endroit où je ne serai que victime », a-t-elle écrit en évoquant son séjour français. Une restriction de taille, une restriction qui dit tout, et pourtant…