Les arrestations en série qui ont eu lieu hier ont lancé dans le pays un vent d’euphorie générale et d’espoir quant à une action gouvernementale qui a tardé à venir. Combattre la corruption n’est pas chose aisée, compte tenu d’un contexte de fragilité générale et d’un risque élevé, cela ne pouvait donc pas être contenu sans calcul des dégâts.

Il a fallu attendre la sortie médiatique de Imed Trabelsi, neveu de l’épouse de l’ancien président déchu, en prison depuis la révolution et du grabuge à Tataouine (encore une fois) pour réagir.

Pourtant cela fait plusieurs années que Imed Trabelsi a « parlé », plusieurs années qu’il est en prison et qu’il a été écouté. Peu de têtes tombées depuis et trop d’inconnus ayant pris la grosse tête malgré les suspicions autour d’eux, de leur pouvoir et de leur fortune.

Ceux-là ont pu s’impliquer dans la politique, financer des partis, narguer le peuple publiquement sur plateau et infiltrer le pouvoir en Tunisie d’une manière indirecte. Il y en a même qui a tenté de devenir président de la République!

Ils ont étendu leurs tentacules et la pieuvre dont on pensait les Trabelsi être la tête en a eu plusieurs autres, affichant sans scrupules ni crainte, leur arrogance.

Combattre la corruption en devenait plus difficile. Une instance dédiée à cette lutte ne suffisait plus pour combattre l’hydre ravageuse. Le pouvoir de la dénonciation, l’impact de l’action personnelle devenant multiple, les spots télévisés, le désarroi d’un président de l’INLUCC désabusé et éprouvé n’y pouvaient rien. La corruption a gangréné le système et a gagné en vigueur.

Elle a été (comme l’appel de l’extrémisme religieux) une voie entrainant dans sa frénésie occulte des faibles que n’importe quelle force attire, même contre l’Etat, celui de son propre pays.

Et l’Etat voyait sans agir. Aucun signal fort donné. Aucune volonté de mettre à bas ce système. Le parallèle a poursuivi son chemin sans être dérangé. Les lobbies sont devenus quasi publics.

L’étendue des dégâts potentiels plus importante et la force alimentant la volonté politique en a été affectée.

Pourquoi maintenant? Pourquoi eux? Ce ne sont pas des questions rabat-joie, mais de vraies interrogations susceptibles d’être posées. La crainte que le tout se solde par des relaxations et des non-lieux est légitime aussi. A force de constater le laxisme on finit par ne plus croire en la force de l’action.

Ceux qui ont une action politique envisagée ont compris que c’est à l’intérieur de la Tunisie qu’il faut agir, que la population la plus influente en nombre et en impact de nuisance est là, au fin fond de ce pays, non à sa surface urbaine visible. Ils ont organisé leur réseau interne et régional, préparé le terrain pour devenir le marionnettiste de cette Tunisie que l’on mène vers des enjeux calculés, pendant que d’autres parties, d’autres partis, avancent à vue d’œil et à force d’idéaux politiques beaux à voir et creux dans leur exécution.

De l’injustice sociale ceux-là ont fait la force de leur lobby et des plus faibles une machine de guerre à manier au besoin pour bloquer l’Etat.

Acculé, face à des enjeux politiques à venir, une ambition de plus en plus dévorante, et une structure aux allures de nouvelle mafia, l’Etat a préféré attaquer au lieu de se laisser prendre dans les filets de la bête hideuse. La guerre contre la corruption sera-t-elle complète, accomplie ou partielle et inachevée. La Tunisie suit cela, les doigts croisés et l’attention totale. Les scènes de chaos d’El Kamour et la corruption connue de tous et invérifiable pour les autorités, ont affaibli la perception du pouvoir, l’ont fait basculer du mauvais côté et ont attisé l’attente d’une guerre qui devait être déclarée. Il en allait de la crédibilité d’un Etat qui a été mis à l’épreuve à plusieurs reprises. La corruption ne peut pas gagner la partie, pas en Tunisie, pas après 6 ans de révolution, autrement, nous aurons tout perdu…

Peu importent le timing et ses raisons, ce que nous vivons est une évolution; une vraie révolution qui se vit depuis hier et qui pourrait sauver, à long terme, la Tunisie.

 

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