Le syndrome de la vidéo virale a encore frappé la blogosphère tunisienne et il ne s’y est pas arrêté ! Un coup de pied dans la fourmilière est donné et une secousse de taille au niveau d’une classe politique en équilibre précaire. Les propos filmés de Moez Ben Gharbia auront été un électrochoc pour une Tunisie pourtant suspicieuse, depuis longtemps, quant aux événements l’ayant secouée, leurs tenants et aboutissants, et leurs acteurs affichés et, surtout, cachés.

L’animateur populaire et propriétaire de la chaîne Attessia est apparu affaibli, amaigri, terrorisé et menaçant, dans une vidéo qui a vite fait de se répandre. Le peu de données tangibles qu’elle contient ayant été exploité en long et en large et ayant fait l’objet d’analyses, de spéculations et de commentaires en tous genres et dans tous les sens, ce qui en reste d’intéressant, à ce stade, à appréhender est l’effet qu’elle aura produit. Avancer que des personnes au pouvoir connaissent les meurtriers de Belaïd, Brahmi, Tarak Mekki et Maître Ben Mrad ; insinuer une complicité de criminalité au sein même de nos dirigeants ; se réfugier à l’étranger parce que son propre pays n’a pas su le protéger car impliqué lui-même. Un sacré coup pour l’Etat !

A côté de MBG aura pris place, hier, en tête d’affiche, Mohamed Lazhar Akremi, ministre auprès du chef du gouvernement, chargé des relations avec l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Celui-ci a choisi le même jour pour présenter sa démission. Un droit incontestable qu’il n’a pas manqué d’étayer par des arguments et non des moindres. Le ministre démissionnaire et dirigeant de Nidaa Tounes a, en effet, accablé le pouvoir en place. Il s’en est désolidarisé, en l’accusant de corruption, constatée, sue et tue. Rien que cela ! La démission de Lazhar Akremi en elle-même n’est pas une grosse perte car le dirigeant de Nidaa sera réintégré dans un des tissus de son parti. Toutefois, ses propos ont des répercussions sur l’image du pouvoir en place. Un sacré coup pour l’Etat !

En Egypte et dans le cadre de sa visite au pays de Al Sissi, notre président de la République et abstraction faite des « écarts diplomatiques » justifiés par son équipe et ses proches, s’est joint à la mouvance générale. Interrogé sur l’article 230 incriminant la pratique de la sodomie, Béji Caïd Essebsi n’a pas manqué de répliquer virulemment aux propos de notre ministre de la Justice cités par une journaliste égyptienne. C’était à l’époque de la polémique autour d’un examen anal effectué à un jeune tunisien afin de détecter une « potentielle pratique sexuelle prohibée » (on choisit bien ses mots en pareils cas, car des médias et des « journalistes » veillent au moindre écart pour en faire des articles et en motiver des attaques). Mohamed Salah Ben Aissa avait, alors, évoqué la nécessité de revoir cet article et avait exhorté la société civile à réagir dans ce sens, dans le but d’engendrer une action commune subversive. Que nenni, déclarera le président de la République à partir de l’Egypte. M. Essebsi aura désavoué le ministre de la Justice en place. Il aura outrepassé ses prérogatives là où c’est le législateur le plus à même de répliquer et d’agir. Un sacré coup pour l’Etat, de dedans et à l’étranger, de surcroît !

Mondher Bel Haj Ali se ralliera à la troupe, aujourd’hui même, pour présenter des excuses sur les ondes de Mosaïque FM à l’adresse de l’ensemble des Tunisiens. « Nous n’avons pas tenu nos promesses électorales », a déclaré, solennellement et sur le ton d’un mea culpa, le dirigeant de Nidaa Tounes. Celui qui n’a voulu confirmer les tensions entre Habib Essid et Mohsen Marzouk que par un sourire, n’a pas manqué de dire, à sa manière, un certain échec du pouvoir en place.

La Tunisie pensait en avoir fini avec ses démons du passé et s’apprêtait à mieux gérer la bataille avec des démons autres. Les assassinats politiques, véritable point noir dans le parcours transitionnel tunisien, nos politiciens pensaient les avoir dépassés. Sans les avoir pourtant éludés, ces mystères ont été exploités politiquement et la quête de la vérité a servi de slogan partisan quand la quête des voix en plus était la première bataille. Les familles des martyrs ont été récupérées politiquement et même récompensées ensuite. Puis on est passés à autre chose, trop occupés à fouetter d’autres chats.

Alors qu’on parlait, il y a peu, de réconciliation, dans un tout autre contexte, voilà que la réconciliation déjà opérée de la Tunisie avec son passé est remise en question. L’image de l’Etat protecteur est suppléée par celle d’un Etat-complice, l’image d’un Etat neuf et régénéré est remplacée par celle d’un Etat-corrompu, l’image d’un pouvoir solide car unifié au niveau des directions à prendre est effacée au profit de celle d’un Etat à plusieurs maillons sur le point de rompre sous le coup des pressions. Plusieurs polémiques en somme et un seul perdant : l’Etat ! Y a-t-il déjà une alternative ? Les prochains jours nous le diront…

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