10 décembre, journée internationale des Droits de l’Homme. En Tunisie d’avant le changement, on nous aurait, en ce jour, parlé des exploits de Ben Ali dans ce domaine, de son dévouement pour ces nobles valeurs, de ses réalisations louables et de son action incommensurable.
Quelques changements après, la journée se fête à demi-mots dans une Tunisie mutée. Un événement qui ne sera qu’international, car à l’échelle nationale, nous n’avons rien à fêter !
Droits de l’Homme, un terme qui englobe plus d’une attente et qui évoque plus d’un abus. En Tunisie, avant la révolution, le terme gênait car il renvoyait à l’image d’un pays où les dérives étaient nombreuses et où pôle aux commandes, dirigeants satellitaires et citoyens avaient opté pour un silence assassin.
Seuls quelques-uns se sont évertués à dénoncer les abus, faisant des droits de l’Homme leur cheval de Troie, un moyen de percer dans la vie et de se faire connaître sur la scène internationale en apparence très regardante quant à de telles problématiques. Une reconnaissance dont certains ont fait un fonds de commerce susceptible de les propulser jusqu’au sommet du pays.
Bien qu’ils aient un mode de pensée ne correspondant pas à celui de tous et que l’islamisme politique semble avoir atteint ses limites, il est en ce jour réconfortant de voir les opprimés d’hier, ceux-là mêmes qui pâtissaient en termes de droits de l’Homme, propulsés au pouvoir.
Cependant, il est affligeant de constater que les opprimés d’hier sont les oppresseurs d’aujourd’hui. Que ceux qui, hors de la Tunisie, ont fait des droits de l’Homme leur métier sont ceux qui, une fois réinstallés dans le pays, les bafouent.
C’est sous Ali Laârayedh, le prisonnier dont Ben Ali a violé les droits, que plusieurs Tunisiens ont été tirés à la chevrotine. Que de mutilations restées impunies, justifiées pathétiquement et tombées dans l’oubli quelques temps après !
Et pourtant, manifester son mécontentement quant au pouvoir politique est un droit, se manifester en tant que citoyen en est un aussi.
C’est sous Samir Dilou, ancien militant brimé, actuel ministre des Droits de l’Homme, que des cas de torture ont été recensés, que des morts ont été enregistrées, que des abus se poursuivent dans nos institutions carcérales.
Et pourtant, pour y avoir passé des années, les islamistes au pouvoir connaissent les couloirs carcéraux, les caves du ministère de l’Intérieur et l’envers du décor.
Moncef Marzouki, établi en France des années durant et opposant notoire, préside, à ce jour, la Tunisie. Une reconnaissance de quelques 17000 électeurs qui fera honneur à sa carrière de militant (parce que militant, c’est avant tout pour certains, un métier). C’était, par contre, à lui de préserver cet honneur acquis au moyen des paroles libérées, du déshonneur des actions corruptrices.
Et pourtant, c’est bien ce militant des droits de l’Homme, aujourd’hui président de la République, que Violette Daguerre, présidente de la commission arabe des droits de l’Homme, interpelle depuis des mois et dans plus d’une déclaration, afin de l’exhorter à revoir de près les dossiers des anciens ministres de Ben Ali mis sous les verrous et dont certains sont souffrants comme c’est le cas de Ridha Grira.
C’est aussi sous Marzouki que Jabeur Mejri est en prison pour avoir manifesté son athéisme virtuellement. Amnesty international a, d’ailleurs, récemment mis en ligne une vidéo en sa faveur et où Marc Lévy, auteur français de best-sellers, a exhorté le pouvoir en place à reconsidérer son cas et à envisager sa libération.
Et pourtant, ce même Moncef Marzouki se dit disciple de Nelson Mandela et a fait un voyage coûteux, par ces temps durs, en Afrique du Sud, pour saluer la mémoire de ce grand Homme.
Qu’importe ! L’admirateur de Mandela a accordé hier sa grâce, en hommage à la symbolique de cette journée, à 79 prisonniers. Il avait, en avril 2012, libéré de la prison d’Ennadhour, un canari en cage.
La schizophrénie politique n’a pas fini de nous étonner. De l’asile politique à l’asile psychiatrique il n’y a qu’un pas : le pouvoir !
Traduction en anglais sur Al Monitor http://www.al-monitor.com/pulse/politics/2013/12/tunisia-human-rights-abuses-repeated.html
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