C’est à Zarzis que le rendez-vous a été donné pour quarante femmes les 5, 6, 7 et 8 mars 2015. Parmi elles, 23 Françaises du milieu de la presse, de la radio, de la télévision, des affaires et d’autres domaines encore. Les Tunisiennes sont aussi des figures connues et reconnues du milieu médiatique, artistique, scientifique… Les débats ont tourné autour de la femme tunisienne et des relations entre les deux pays dont sont originaires les participantes. La rencontre est aussi conçue comme une occasion de promouvoir le tourisme auprès de la France, à travers ses « décideuses ». Une visite à des régions du sud tunisien a, par ailleurs, été organisée.

Initiée par Hosni Djemmali, propriétaire du magazine Tunisie Plus et du groupe Sangho, la manifestation a été un espace d’échanges autour de sujets en relation avec la femme tunisienne. Le rôle de la Femme dans la transition démocratique en Tunisie et l’apport de celle-ci dans le travail effectué par la société civile ont été les sujets desquels ont débattu les participantes après une intervention de l’une d’elles, l’élue Bochra Bel Haj Hamida. Après Habiba Chaâbouni, généticienne Professeur en médecine et ancienne lauréate du Prix UNESCO-L’Oréal, c’est Jaouida Guiga, qui s’est exprimée. L’une des premières femmes magistrat (1972), a parlé de la déception qu’a constitué le revirement de Nidaa Tounes dans sa démarche consensuelle avec Ennahdha. Une démarche qui a déçu le million d’électrices de BCE, a-t-elle rappelé. Bochra Bel Haj Hamida a expliqué la démarche de Nidaa et a étayé sa position quant à Ennahdha qu’elle perçoit désormais comme un parti en train de changer et d’aller vers l’ouverture et le pragmatisme. Elle n’a pas manqué de faire remarquer qu’une réelle scission s’opère au sein du parti islamiste de Rached Ghannouchi entre des franges allant vers la modération et d’autres campées dans le radicalisme (des positions politiques).

En outre, la femme dans les médias a été un des sujets autour desquels s’est axée la rencontre transméditerranéenne. La parole a été accordée, dans ce contexte, à Maya Ksouri, chroniqueuse radio et télévision. Elle a évoqué la précarité du statut féminin auprès de téléspectateurs percevant les journalistes femmes selon un prisme différent de celui duquel on perçoit les journalistes hommes. « Une femme dans les médias sera critiquée non sur le fond du sujet sur lequel elle s’exprime mais sur la manière dont elle est habillée voire sur la couleur de son rouge à lèvres ». Pour certains, il est difficile d’admettre qu’on puisse être femme, féminine et intelligente à la fois. La question physique minimise ainsi la qualité de travail de la femme dans les médias, selon Mme Ksouri et les intervenantes ayant réagi à ses propos, et devient un angle pour l’attaquer sans argumenter, mais d’une manière arbitraire.

L’intervention de Business News se voulait une interrogation sur l’existence d’UNE femme tunisienne, rappelant que les divergences économiques et les disparités régionales en nourrissent d’autres, de nature idéologique, et font qu’il n’y ait pas de profil unique de femme tunisienne telle que certaines approches tendent à le présenter. A été rappelée, par ailleurs, dans le cadre de la même intervention, la menace ayant ciblé Maya Ksouri, récemment, et la volonté de certains de faire des modèles de réussite des anti-modèles. C’est une des raisons pour lesquelles des personnes ne s’identifient pas aux femmes ayant réussi médiatiquement, y compris les femmes elles-mêmes, a-t-il été noté.

Clémentine Dabadie, présidente d’une maison de production pour le cinéma a animé une partie des débats auxquels ont pris part, notamment Madeleine Bennaceur Berger, conseillère consulaire pour la circonscription Libye-Tunisie et Houria Zourgane, opérant dans le domaine du spectacle et de la communication, pour rappeler, à travers leurs propres exemples, leur attachement à la Tunisie où elles vivent et leur engagement pour que le pays réussisse sa période de transition.

Les débats ont porté également sur la Femme et sa présence sur la scène économique, un sujet abordé par Catherine Abonnenc, secrétaire générale de Business Angels un réseau réunissant une centaine de femmes qui investissent personnellement dans des start-up à potentiel et dont la présidente Agnès Fourcade était également présente. Les réponses ont été apportées par Ahlem Hachicha, spécialiste de la création d’entreprise et de l’investissement étranger et par Wafa Sfar, directrice de la supervision bancaire à la banque centrale de Tunisie qui n’ont pas manqué de rappeler le statut de bon payeur dont jouit la femme auprès des banques, la nature de sa démarche dans le cadre de l’investissement en Tunisie et de faire remarquer la présence de femmes à la tête de nombreuses entreprises et institutions, rappelant le cas de Wided Bouchmmaoui qui préside l’UTICA.

Le volet artistique a été marqué par la présence de Sihem Belkhoudja et Amina Srarfi. Les deux figures connues dans les domaines de la danse et de la musique sont revenues sur le statut de la femme artiste, sur la situation vécue par certaines depuis la révolution, sur la mise à l’écart de certains artistes et sur le manque d’encouragement notamment de nature financière pour la production artistique. Quant à Sihem Belkhoudja, elle a « bousculé » en rappelant les positions politiques de la France, notamment en ce qui concerne la Libye par le passé, les refus de visas pour les jeunes, en nombre, et d’évoquer la présence culturelle de la France en Tunisie, une présence qui, en se minimisant, pousse les jeunes vers des cultures et des pays, autres que la France.

La rencontre qui avait été ouverte par Faïza Kefi qui se présente comme « une femme libre aujourd’hui » a été close par une promesse des participantes françaises. « Nous allons faire en sorte que la prochaine édition de Femmes de Méditerranée ait lieu en France. Nous veillerons à ce que des rencontres au niveau de l’Assemblée nationale soient faites et que des députées prennent part au débat, pour que des choses changent au niveau de la législation », a lancé Christine Goguet, directrice au sein du groupe Amaury (Le Parisien, l’Equipe…) dont la présidente, Marie-Odile Amaury, faisait partie de l’assistance.

Ont également été abordés, en marge des discussions «officielles », des échanges autour du secteur du tourisme et d’autres sujets en rapport avec la destination Tunisie, avec, du côté tunisien, Leyla Chihi, épouse de l’ambassadeur de Tunisie en France et Sophie Bouchard (française native de Tunisie), ancienne fonctionnaire des Nations Unies. Du côté français, on notait la présence de Françoise Baverez, présidente des Hôtels Regina, Raphaël et Majestic à Paris, Julie Leclerc, animatrice à Europe 1, Karina Hocine Bellanger, directrice aux éditions Lattès, Brigitte Boucher journaliste et présentatrice sur LCP et Carole Bellemare, Nadia Le Brun et Djenane Kareh, respectivement rédactrices en chef au journal Le Figaro et aux magazines La Parisienne et Clés.

Femmes de Méditerranée est voulu par son initiateur Hosni Djemmali et Dalila Bouker, la coorganisatrice de l’événement, comme une démarche visant à rapprocher des femmes des deux rives et à tisser un réseau pouvant être plus efficace que les promesses politiques. Au vu de l’enthousiasme et de la passion manifestés, des deux bords, le pari semble être gagné.

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