Son nom a commencé à circuler deux jours avant qu’il ne soit cité officiellement dans une cérémonie consacrée à son investiture. Youssef Chahed a été chargé par le président de la République de former un nouveau gouvernement en remplacement de celui de Habib Essid acculé au départ.

Point de surprise pour ceux qui croyaient en la possibilité de voir un désaccord autour du jeune agronome de 41 ans, point de manœuvre bloquante de la part de l’UGTT, point de stratège de la part de Béji Caïd Essebsi. Sa stratégie aura été de ne pas en avoir une.

Et c’est sans difficulté particulière que Youssef Chahed aura fait son ascension politique. De militant politique à médiateur (dans le cadre des désaccords au sein de Nidaa où il a été chargé de résorber le conflit), de ministre des Affaires locales à chef du gouvernement.

On l’aura très peu vu à l’œuvre, Youssef Chahed! Deux missions « publiques », quelques sorties médiatiques et très peu de bons résultats visibles. Nidaa ayant explosé malgré ses tentatives de réconciliation; les Affaires locales, un portefeuille dont la priorité, en l’occurrence, la décentralisation a été, selon certains, utilisée pour servir la période pré électorale.

Pourtant, l’on a envie de lui faire confiance, ce plus jeune chef de gouvernement de Tunisie. Sa virginité politique fait de lui un bon chef dont les projets ne seront pas parasités par une idéologie et dont les actions ne seront pas dictées par les ambitions d’un parti (car le sien est à l’état de décomposition).

Du moins, on l’espère! On l’espère reconnaissant au président de la République de l’avoir nommé à tel poste, juste l’espace d’une passation. Une fois à l’oeuvre, on l’espère chef lui-même, et nom l’ombre d’un autre chef.

Le maintien en poste ou le limogeage de personnes nommées par son prédécesseur et contestées par le président de la République sera, pour certains observateurs, un éventuel indice de son indépendance quant aux coulisses de Carthage ou de sa dépendance, en matière de décisions, de ce qui s’y dit.

Mais malgré le scepticisme quant à son profil, sa première intervention publique du mercredi 3 août a été bien accueillie dans l’ensemble. Lacunaire et générale, elle a satisfait des citoyens-observateurs lassés par la langue de bois, les discours interminables et les éloges de leur intelligence rimant comme une insulte à celle-ci, tant rendus insignifiants par leur redondance.

Plan de communication en marche: Youssef Chahed a désactivé son compte Facebook où certains journalistes ont été lui chercher des failles passées. Il a créé un compte Twitter via lequel il a commencé à communiquer. Le digital en marche, et le reste de l’action à suivre, dans des délais constitutionnellement réglementés.

Le challenge est important. Il est historique. Youssef Chahed fait désormais partie d’une lignée, celle de 16 hommes ayant occupé ce poste avant lui, Nouira, Mzali, Jebali, Jomâa…. Une série de 16 noms dont l’observation montre que la Tunisie a changé et que le poste jadis occupé par des profils politiciens est désormais accessible à des profils autres. Accessible aux technocrates, aux chefs d’entreprise, à la jeunesse; le rêve n’est plus impossible. Il suffit que le politique le veuille. Et il l’a voulu.

Les quelques remous quant à son âge, sa parenté (niée) par alliance au réseau familial du président de la République, son « antécédent » professionnel (à prouver) dans les sphères des Etats-Unis, ne l’auront pas fait dévier de sa trajectoire. Droit vers le Palais du Bey, Youssef Chahed composera dans les prochains jours son équipe, celle avec laquelle il devra composer pour la prochaine période.

Défini déjà son plan de route, en 5 points essentiels, et ratifié par plusieurs parties signataires de l’Accord de Carthage. Une difficulté de moins pour sa mission. Béji Caïd Essebsi, ayant initié pareil plan d’action, n’aura laissé à Youssef Chahed que la difficulté de l’action. Celle des tergiversations et des blocages ayant été un obstacle d’enlevé par anticipation.

L’enjeu est important. Il faudra d’abord, gagner en popularité, sans être populiste. Etre influent sans être influencé lui-même. Dire la vérité sans brusquer. Et exécuter sans trop attendre. Il faudra au nouveau chef du gouvernement comprendre que le prestige de l’Etat ne réside pas en son âge ni en son nom mais en la capacité de serrer les maillons d’une chaîne desserrés par un ensemble de hiérarchies défaillantes. Il lui faudra ré-instituer l’hiérarchie et responsabiliser, à tous les niveaux, ses tenants.

Lourdes tâches pour un chef en période de transition chronique. Lourdes tâches mais un atout majeur: un peuple qui a envie de s’en sortir, malgré les difficultés. Lourdes tâches et, pour le taux d’inflation qui monte et le taux de croissance en pente basse, point de baguette magique hormis la force du travail qu’il faudra insuffler, du nord au sud, du maillon le plus faible de la boucle à celui le plus fort. Car peu importent les hommes et leur âge, le salut ne peut venir que de nous-mêmes.

 

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