Dans la soirée du 6 décembre, la France a penché amplement vers la droite. Une droite extrême connue pour ses positions dénuées de nuances hormis à l’approche des échéances électorales. Les positions du Front National sur les dossiers importants secouant la France n’ont pas changé. Qu’il ait à sa tête Marine Le Pen ou Jean-Marie Le Pen, le parti d’extrême droite est un parti dont les idées matrices se nourrissent de la haine de l’Autre et de son refus, un parti qui a de la République une vision restreinte et non plurielle, un parti qui a troqué les valeurs universelles contre des slogans ségrégationnistes. Les idées FN sont connues de tous. Le parti qui ne faisait que des chiffres très bas lors des scrutins et qui ne s’attirait que des critiques négatives lors des sorties publiques de ses dirigeants a pourtant été le grand gagnant des dernières Régionales.

Il fut un temps où afficher son accord avec les idées du Front national était quasi honteux. Le parti étant basé sur une idéologie aussi particulière que connue de tous, être FN  était un choix politique plus dissimulé que public. La haine du parti haineux était quant à elle annoncée même médiatiquement. Banni ou presque des plateaux, le parti des Le Pen a été écarté, mis en marge de l’échiquier politique de père en fille. Seuls les scandales avaient le droit de paraître aux premières places d’une politique française télévisée, faiseuse d’audimat et génératrice de popularité. A l’extrême droite, les portes étaient donc fermées. Nul ne s’en cachait et tant pis pour la pluralité politique et pour la liberté des idées, quand il s’agira de ceux qui passent outre les valeurs communes d’une France éclairée et colorée.

Désormais, c’est avec ce parti dénigré la veille que la France devra composer à l’avenir. Une fausse note au sein de l’harmonie républicaine qu’il faudra assumer tant bien que mal. Cette victoire de l’extrême droite a un amer goût de défaite générale pour la gauche comme pour la droite. Le laxisme de la Gauche, sa gestion peu appréciée du pays, l’aspect mou caractérisant l’action politique ont généré la faillite d’une politique modérée à l’ancrage idéologique référentiel et populaire. Les positions très tranchées de la droite ont cherché, quant à elles, à contrebalancer avec celles du camp opposé. La droite a donc préparé le terrain pour une radicalisation de la perception de la politique. On n’attend, de ce fait, plus du politique d’être garant des libertés mais d’être le frein légal à cette liberté. Trop de questions étaient restées en suspens, la gauche comme la droite n’ayant pas réussi à y répondre clairement d’une manière claire et efficace. La nature n’aime pas la vide!

C’est que les attentats du 13 novembre sont passés par là. Le traumatisme d’après-attaque est ainsi, en partie, responsable de ce revirement politique et idéologique du pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Une réponse facile à un mal-être persistant. C’est donc le FN qui a comblé, par sa xénophobie, la peur de l’Autre, c’est la promesse d’autoritarisme qui a été la réponse à la crainte du lendemain, c’est l’extrême qui a répondu au scepticisme par rapport à la politique de la diversité. Le populisme a le vent en poupe, surtout en politique. La politique des slogans est celle qui agit le plus sur les esprits les plus crédules. Et ce sont les plus crédules qui font pencher les balances quand la voix de la raison se perd.

Ce qui est intéressant, à ce stade, à observer ce n’est, donc, pas la manière dont le FN a évolué pour arriver à ce à quoi il est arrivé un certain 6 décembre 2015, mais la manière dont l’électorat français s’est détaché de ses principes historiques pour échoir vers une droite extrême. Abstentionnisme, faillite de la classe politique au pouvoir, frappes terroristes… autant de facteurs ayant motivé ce crime contre la République. En gros, le FN n a pas changé, c’est la France qui n’est plus la même. «On était libre avec les lois, on veut être libre contre elles». Ceux qui voudraient contredire ce que Montesquieu avait prédit doivent le faire dimanche prochain. Un second tour pour se racheter, pour ceux dont la passivité a coûté très cher à la France!