Nous pensions en avoir fini avec la dictature des dirigeants, nous voilà aux prises avec la dictature du peuple.

Et elle en est à son énième épisode. Une démonstration de force de plus, de trop aussi, a eu lieu ce weekend à Jemna. Des terres, propriété de l’État, ont été exploitées illégalement par l’Association d’exploitation des palmeraies éponymes et le fruit de l’usurpation a été vendu en présence de représentants de partis politiques. Autrement dit, on a assisté à Jemna à une institutionnalisation du vol des biens publics.

Argument présenté en faveur de pareille imposture: un bénéfice dépassant celui qu’en réalisait l’État. Une recette d’un million sept cent mille dinars, des projets d’infrastructure réalisés grâce aux recettes passées mais une ardoise générale où n’ont pas été calculés les frais et les bénéfices nets.

Mauvaise gestion des pouvoirs publics versus gouvernance sociale plus performante. L’équation censée placer l’État en position de faiblesse n’est pas la bonne car le recel, même en ramenant gros, n’a jamais été un moyen honnête dont on pouvait se targuer.

Vers des projets sociaux dont le succès impose le modèle comme une alternative plus rentable? Non, nous allons plutôt vers « l’étatisation » de la Tunisie. Chacun pourrait, de ce fait, penser à en faire autant. Chaque région peut, au moyen d’une association, décider d’exploiter ses richesses naturelles, ses terrains publics, ses atouts géographiques. Il suffirait d’y gagner gros pour gagner la légitimité et le soutien de certains politiciens. Ceux-là mêmes qui légifèrent et qui approuvent les écarts à la loi.
Le citoyen- bandit serait défendu par ceux qui prônent la défaite des gouvernants et la victoire du peuple. Mais point de victoire sans respect de l’Etat, au delà des a priori concernant ses actuels symboles.

A Jemna, pourrait naître une insurrection populaire car la loi, au lieu d’être revue, est tout simplement bafouée. Toutefois, les politiciens qui ont soutenu la vente de Jemna par leur présence et en en devenant le porte-voix ont profité d’une brèche juridique. La plainte empêchant la vente en question ne concernant pas la date du 9 octobre mais une date annoncée auparavant, aucune démarche autre n’avait été entreprise par l’État en recours à celle-ci, d’après Samia Abbou députée du Courant démocratique selon qui la vente finalisée ce weekend ne peut être considérée comme une enfreinte à la loi.

Pourtant ces mêmes figures politiques auraient pu participer à la création d’un cadre légal pour l’exploitation en question comme pour celles d’autres terres que l’État abandonne ou ne gère pas d’une manière optimale.

Au lieu de cela, on a salué l’illégalité et on en a défendu le résultat. Au nom de l’opposition au pouvoir en place, on a agi contre la République et ses valeurs, contre l’État de droit et ses bases premières. Le soutien aux démarches sociales et populaires peut-il se faire au détriment de tout un pays, des valeurs supposées être communes et d’un certain nombre de lois?

C’est donc cela la dictature du peuple. C’est donc cela la tyrannie de l’individualisme. Un champ d’action allant au contraire de ce que font certains anarchistes des droits ouvriers, mais aussi dangereux et « égocentré ». Ca force la main à l’Etat et vous occupe illégalement un terrain lui appartenant au nom des nobles valeurs du travail. Ca vous paralyse une économie nationale au nom de grèves ne servant qu’une partie du groupe. Ca vous réclame, à coup de menaces, des augmentations alors que la courbe de croissance est à son plus bas niveau. Ca vous rebute les investisseurs d’un côté, alors que l’on se démène de l’autre pour les rassurer.

Cette même dictature nouvelle est à gérer d’urgence. Les syndicats partie prenante dans la sphère décisionnelle par le biais de l’Accord de Carthage devraient en être les garants. Les partis politiques d’opposition devraient au nom de la primauté des lois y constituer un garde-fou. Une prise de conscience générale devrait être envisagée pour que les victimes ne deviennent pas les nouveaux gourous et que ne s’annonce pas la faillite imminente.

On la croyait seulement économique mais, au vu des dernières nouvelles, elle risque d’être celle des valeurs de l’État, de sa quintessence.

 

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