Le fait marquant de ce jour n’est pas la énième tentative de Nidaa de rafistoler les brèches. Ce n’est pas non plus la querelle entre religieux de tendances plus ou moins régressistes et se battant pour une autorité religieuse inexistante. Ce n’est pas non plus la querelle entre des syndicats estudiantins basés sur des idéologies ennemies. Le fait majeur de ce vendredi 13 est la mort d’un jeune de 16 ans, à Jelma, dans le gouvernorat de Sidi Bouzid. Le berger a été égorgé par une cellule terroriste basée dans la région précitée. Sa tête aurait été remise à un ami qui l’accompagnait au moment où un groupe de 20 terroristes les aurait encerclés. Celui-ci aurait été chargé, selon le témoignage d’un de ses proches, d’informer la famille du défunt et de lui remettre la tête de son ami.

 

Ce crime odieux est loin d’être le premier acte dans le genre : il s’agit d’un mode opératoire auquel les terroristes ont déjà eu recours. Il y a un mois, un autre berger, Nejib Guesmi, avait été retrouvé mort après une annonce sur Twitter faite par Qatibete Okba Ibn Nefaâ. Le 29 octobre, c’est un autre berger Sami Ayari originaire du Kef qui a été retrouvé égorgé aux alentours du Mont Ouergha. La filiale maghrébine d’Al Qaida a revendiqué donc ces actes dans un communiqué puis dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux et mettant en scène les aveux de feu Nejib Guesmi. Celui-ci y avouait une collaboration avec les forces sécuritaires.

 

Et c’est là le point commun entre ces assassinats ayant ciblé des bergers dans les régions montagneuses. Interrogés par les autorités pour les informations qu’ils auraient quant aux camps terroristes qu’ils auraient aperçus, les bergers achevés ont été repérés par lesdits terroristes et catalogués comme étant des ennemis à abattre. Car outre ce qui est perçu comme une collaboration avec l’ennemi, les personnes assassinées disposaient d’une connaissance des hauteurs investies par les terroristes et pouvaient, de ce fait, constituer une menace sérieuse pour ceux-ci.

 

Trois bergers tués, pour avoir collaboré avec la police et l’armée. Mais pas que ! Ils ont été sauvagement abattus pour servir de leçon. Les achever vise à terroriser toute la région et à marquer la population y résidant. Des habitants des régions en question avaient rapporté des faits de racket et de menaces les ayant ciblés. En effet, les terroristes venaient chercher chez eux des denrées alimentaires, essentiellement. Tuer et le faire savoir d’une manière étendue permet donc aux terroristes occupant certaines hauteurs tunisiennes d’asseoir leur autorité sur des régions reculées. Ils y gagnent de véritables fiefs et mettent à leur service, par le biais de la peur, un pan de ces populations défavorisées. De petits émirats, en vue. Si les autorités ne se déploient pas dans ces régions de manière à assurer la sécurité des habitants ciblés, le but des terroristes sera en voie de réalisation.

 

Pendant que la terreur sévit, s’installe et s’étend dans cette Tunisie reculée mais non moins tunisienne que les grandes villes et leurs alentours, l’opinion publique est ailleurs. Elle patauge dans les marécages politiques et partisans et sombre dans la médiocrité générale qui en résulte. Un jeune tunisien égorgé en devient un simple fait divers, dans ce paysage médiatique parasité par la politique vilement politicienne et qui banalise ainsi les actes les plus odieux au regard d’une société s’habituant à l’horreur. Paix aux âmes de ceux qui continuent à nourrir cette terre de leur sang.