Mardi 25 novembre 2015, la Tunisie a connu un des actes terroristes les plus importants de son Histoire, son histoire récente avec l’obscurantisme et le radicalisme sanglant. 12 morts parmi la sécurité présidentielle. Un attentat qui a eu lieu en plein centre ville de Tunis, non loin du ministère de l’Intérieur. A 17 heures, un bus explose. Les témoins sur place décrivent une détonation, un nuage de fumée, deux coups de feu en l’air (tirés par des militaires présents sur les lieux et ayant accouru pour sécuriser la zone) puis le silence. Depuis, on parle beaucoup, à la télévision, à la radio, dans les journaux, lords des réunions et des conseils ; on parle de mesures à adopter et d’une stratégie nouvelle pour combattre l’ennemi. Nos dirigeants se sont enfin réveillés !

Quelques heures après l’attentat, le président Béji Caïd Essebsi a annoncé dans un discours télévisé l’Etat d’Urgence et le couvre-feu. Deux procédures visant à captiver des personnes suspectées. Plusieurs perquisitions ont été,  faites de nuit, dès le premier soir. Et au lendemain de l’attaque terroriste qui a visé la sécurité présidentielle, le Conseil supérieur de la sécurité nationale s’est réuni. Une série de mesures a été prise. La rigueur veut suppléer le laxisme qui a permis au fléau terroriste de s’installer dans ce pays connu, par le passé, pour sa modernité, sa modération et sa tolérance. Toutefois, les 13 décisions annoncées ont fait l’objet de nombreuses critiques.

Parmi les décisions émises par le Conseil de Sécurité au lendemain de l’attaque, celle de déclarer la guerre au terrorisme, de  réactiver la loi anti-terroriste, de fermer les profils en relation avec le djihadisme sur les réseaux sociaux, de brouiller certains sites extrémistes, d’activer la stratégie nationale pour lutter contre le terrorisme, d’appliquer la loi anti-terroriste, de créer 6000 emplois dans l’armée et la police et d’intégrer dans des corps sécuritaires spécifiques les habitants des régions limitrophes des montagnes occupées par les terroristes.

Ces décisions que l’on attendait en réplique à un acte qui a touché la majorité des Tunisiens ont été jugées insuffisantes. S’apprête-t-on à peine à lutter contre le terrorisme ? Etonnant ! N’a-t-il pas déjà frappé ? N’a-t-il pas déjà fait mal, à une famille, à tout un peuple, à tout le pays. Bardo, Sousse, Kasserine… Et c’est juste maintenant qu’on annonce la guerre au terrorisme et qu’on s’apprête, décision à l’appui, à mettre en application une loi anti-terroriste votée et publiée dans le Journal Officiel ? Oui, étonnant ! Mais du coup, on s’étonne moins quand on apprend que le terrorisme n’a cessé de sévir depuis ces dernières années.

Il fallait des décisions ! Et tant pis pour le voisin libyen que nos politiciens caressaient jusque-là dans des discours prônant quasiment l’impunité à leur égard en cas de problèmes causés sur le territoire tunisien ! La frontière avec la Libye sera fermée et la situation réglementaire des étrangers résidant en Tunisie sera réactualisée. Il faut des décisions ! On se mettra à collaborer avec les autres pays et on fera face aux djihadistes qui tenteront de revenir en Tunisie. Ne leur a-t-on pas annoncé qu’ils pouvaient rentrés chez eux, s’ils opteraient pour un changement de parcours, eux nos enfants et ceux de ce pays ?

Trop peu, trop tard ! Mais ce pays meurtri doit rester debout. Le combat de la Tunisie ne s’achèvera pas avec des mesures prises à chaud et accueillies froidement. On propose des solutions conjoncturelles alors que c’est le structurel qui pourrait amener de vraies solutions dans la durée. Y a-t-il eu une réelle volonté de mettre à bas le terrorisme depuis qu’il a commencé à frapper et à tuer ? Y a-t-il eu une réelle stratégie globale mise en place pour y faire face ? La configuration actuelle du gouvernement tunisien est, à ces questions, une réponse. Le ministère de la Défense est codirigé avec celui de la Justice par un même ministre, ancien universitaire. Les politiciens sont occupés à gérer leurs querelles politiques, le parti au pouvoir se disloque et étale publiquement ses conflits, les islamistes se refont une jeunesse et lissent leur discours en attendant de prochaines étapes politiques.

Entretemps le radicalisme prolifère et le système judiciaire n’a pas les moyens de mettre les potentiels terroristes derrière les barreaux. Le système sécuritaire n’a pas encore prévu de les maintenir sous surveillance, alors que tous s’indignent contre le fait que les extrémistes suspectés soient vite relâchés dans la nature. Dur à trouver, l’équilibre entre la rigueur et les droits de l’Homme que l’on voudrait obstinément préservés pour les avoir vus bafoués trop longtemps Entretemps, les islamistes pullulent dans les montagnes. Ils terrorisent les habitants des zones avoisinantes. Ils pillent et décapitent et leur force de frappe est de plus en plus perceptible.

« Mon fils protégeait la présidence de la République, mais la République ne l’a pas protégé ! Mon fils luttait pour la Tunisie, mais la Tunisie les a laissés le tuer ! », c’est ce qu’a déclaré la mère d’un des membres sécuritaires dont la vie s’est arrêtée un certain mardi 24 novembre. Une mère endeuillée qui en veut à un pays qui n’a pas su veiller sur ses enfants. Un pays qui a annoncé la couleur avec  des décisions à demi-teintes et qui a choisi de bannir le noir et d’annoncer, à la place du deuil, le défi.